« Comment protéger, comment faire que les personnes niées et humiliées puissent exercer leur pensée ? » Michel ButelVous l’avez fait Michel… Ce matin-là, au parloir, il n’en croit pas ses oreilles… Je lui annonce qu’un homme qui ne le connaît pas, lui propose de tenir chronique dans le premier numéro de son journal. C’était en 1984 et c’est en toute illégalité assumée que vous avez donné la parole à un marginal, à une personne détenue, à un jeune homme de 29 ans dont vous avez changé la vie carcérale et l’espoir sur un avenir possible… A compter de ce jour, il n’a eu de cesse que d’apprendre, plus, encore, toujours, pour être à la hauteur de votre confiance, à la hauteur de « L’Autre Journal », il a même décidé, quelques chroniques plus loin, d’écrire un livre et d’attendre patiemment la fin de sa peine s’il réussissait à être le premier détenu en France autorisé à publier depuis sa cellule… Vous l’avez fait Michel… Lorsque mon frère est parti rejoindre ces anges que vous aimiez tant, non sans une main assassine que l’on a décorée, vous avez pris la plus belle des plumes pour, en quelques mots dire…. « Bruno Sulak est mort. Il n’avait aucun ennemi. Il n’avait commis aucune violence. Il est mort parce qu’il n’était pas un salaud, parce qu’il ne voulait pas être le héros d’une tragédie. Jusqu’au dernier jour, il a refusé les armes qui l’aurait sans doute sauvé. Mais il ne les jugeait pas conforme à sa morale. Jusqu’au dernier instant, il a refusé le rictus de la violence, parce qu’il se savait un enfant, un joueur, un homme-oiseau. Il s’est fracassé contre le ciment. Cette injustice est une atteinte à la vérité, une souffrance interminable. Tant que je vivrai, il ne cessera pas de me rappeler à l’ordre, il ne cessera pas de m’indiquer silencieusement l’horrible désordre du monde. Tant que je vivrai, il n’en finira pas de mourir » Aujourd’hui, vous êtes allé le rejoindre et tant que je vivrai, vous ne cesserez tous deux de me rappeler à l’ordre et de m’indiquer silencieusement l’immense bonheur d’avoir croisé un jour dans un « Autre Journal » un homme, Michel Butel qui croyait en la mémoire et la mélancolie et qui disait « J’ai écrit pour donner, comme un messager survivant, des nouvelles aux vivants… » et un jeune homme qui écrivait à seulement 25 ans « Sur ce désert qu’est le monde, je verserai une larme, une de celles qui ne s'évaporent jamais" Merci Michel !