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    sens de la vie

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    Episodes (100)

    Si simple

    Si simple

    Mais où est le problème ?  


    Je m'installe dans le train, à la fenêtre d'un carré dont les sièges sont encore vides, et commence à tourner nonchalamment les pages d'un magazine, quand un jeune homme arrive à son tour et s'arrête au carré en vis-à-vis, également inoccupé. Son allure peu courante retient mon attention et je l'observe oisivement. Il est impeccablement coiffé, mi-long, châtain clair, vêtu d'un pantalon de toile au ton crème, d'une veste en daim léger et d'une chemise ivoire au col ouvert sur un foulard en soie, blanc à pois gris, entourant son cou. Il prend le temps de sortir un livre d'une sacoche en cuir mou, qu'il manipule comme une dame son sac à main, puis d'ôter sa veste pour en extraire un téléphone et des câbles, avant de la plier, la poser avec soin sur l'espace en hauteur, et de prendre place à la fenêtre. Il a gardé à lui sa sacoche, posée sur la tablette. Lorsqu'il branche ses écouteurs, se les fixe aux oreilles, réajuste sa coiffure et élargit l'étreinte du foulard sur sa gorge, son doigté et sa gestuelle, si banalement féminins, s'il s'agissait d'une femme, me frappent au point que je ne peux m'empêcher de douter. Il prend son livre en main, le repose distraitement sur sa cuisse en se tournant sur sa droite où, à travers la fenêtre, son regard semble se perdre au-delà du quai, aux confins de la gare. Je me raisonne, pour finalement conclure qu'à sa morphologie mâle et au duvet clairsemé de ses joues, il s'agit à l'évidence d'un garçon, auquel je donne environ vingt-cinq ans. 

    Le départ nous est annoncé dans quelques minutes. Je retourne passivement à mon journal, jusqu'à la venue, qui me fait lever la tête, d'une jeune fille noire, très jolie, aux fines et longues tresses. Elle s'asseoit côté couloir, face au jeune homme qui interrompt sa lecture pour échanger avec elle de gentils sourires, avant d'y replonger.  Une fois installée, elle se concentre sur son écran, tandis que je repars dans mon album d'images. Peu de temps après que le train a doucement quitté la gare et qu'il progresse vers sa vitesse de croisière, le coquet, en quittant sa place, s'adresse à la jeune femme dans une intonation si efféminée, caricaturale, que je m'en amuse intérieurement, tout en comprenant qu'il ne joue pas, mais s'exprime sans complexe de tout son naturel : « S'il vous plaît, je peux vous demander de surveiller mes affaires ? », ajoutant : « Je vous remercie, je n'en aurai pas pour longtemps », recevant l'acquiescement de la belle. 

    Et le voilà parti, je suppose aux toilettes. 

    Arrive alors, presque immédiatement, le troisième protagoniste, un grand rasta black aux lunettes noires, sorte de Jimmy Hendrix culturiste, bâti comme une armoire à glace, dont les muscles débordent d'un tee-shirt trop tendu, un gros casque à musique chevauchant et déformant sa tignasse. J'essaie d'attirer son attention par un geste de la main, en même temps que la fille lui dit trop timidement : « Hé, il y a quelqu'un à cette place », mais il ne voit ni n'entend rien et s'assied directement sur le siège à la fenêtre que vient de quitter le garçon. La voyageuse en reste là, retournant à son écran. De mon côté, j'essaie paresseusement de capter l'attention du nouveau venu pour lui dire, mais il est dans son monde et sa musique, derrière ses lunettes, et je crois même qu'à présent il s'assoupit. 

    Autant inquiet qu'excité de ce petit épiçage existentiel, je spécule, je dois bien le reconnaître, et deviens même curieux, voire impatient, de savoir ce qui se passera au retour du jeune homme. Va-t-il revendiquer sa place ? Et comment ? 

    S'il s'exprime de la sorte, sera-t-il respecté ? Reprochera-t-il à la jeune fille d'avoir mal su gérer la situation ? Je vais bientôt le savoir, car j'aperçois de loin le garçon revenir vers nous (...)

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    Texte déposé ©Renaud Soubise 

    Musiques : ©Scott Buckley - Underlow ; PLUME Revelation Musique Enigme / découverte  /libres de droits

    Vent d'automne, air d'hiver

    Vent d'automne, air d'hiver

    La nature en apnée  


    Les dernières feuilles rousses qui l'ignoraient encore 

    Apprennent que la saison fatalement les emporte. 

    Quand la vie s'engourdit dans la terre endurcie, 

    Les cimes se brûlent haut à la brume de gel. 

    La nature en apnée, 

    Vide de la semence de ses habits neufs, 

    Tourne et se ferme en rond sur son écrin doré. 

    Là, le Seigneur enjoué prend son inspiration 

    Et s'apprête à souffler sur les anges et les hommes. 

    Dans la paix du matin, s'éveille l'homme nouveau. 

    De souvenirs emprunts et de rêves si beaux, 

    La torpeur de la nuit protège le silence 

    Qui secrète la vie, enfante la présence.  

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    Texte déposé ©Renaud Soubise 

    Musique : Extrait des 4 Saisons de Vivaldi : ©Vivaldi Automne fall full 

    Être tranquille

    Être tranquille

    Vouloir ce que nous avons  

    Chercher, c'est vouloir trouver 

    or, trouver est réaliser que nous avons. 

    Nous avons ce que nous sommes 

    et non pas l'inverse. 

    Quoique nous croyons chercher, 

    nous cherchons à être. 

    Tout être est en quête 

    de sa tranquillité d'être. 

    Être tranquille, c'est connaître, 

    se connaître soi-même, 

    nous reconnaître dans nos frontières 

    qui ne sont pas nos limites, 

    mais notre fin du connu, 

    là où à présent se situe 

    notre commencement. 

    Être, c'est re-con-naître, 

    naître à nouveau, 

    naître encore 

    avec le nouveau de soi 

    que nous découvrons 

    au-delà de nos propres contours. 

    Être tranquille, 

    c'est vouloir ce que nous avons.  

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    Texte déposé ©Renaud Soubise 

    Musique : ©Gouttes / Hicham Chahidi  

    Compostella Josetta

    Compostella Josetta

    L’intime qui chemine, le chemin cheminé. Rencontre avec soi-même et les autres, sur le chemin de Saint Jacques.  


    À Charlotte qui me botte et Julie que j'allie, à Léa « jacta est » et belle sans conteste, 

    que j'ai placées en muses de ma cornemuse, vous m'inspirez ces signes que je vous livre en lignes. 

    C'est à vous trois, mes chères, et aussi à mon frère que j'écris ce poème, parce que je vous aime. Et je vous sais sensibles à trouver comme audible :  « C'est bien, mais pas si bien », « C'est mal et pas si mal ». Car au fond, s'il devait s'écrire une morale, du profond, je ne vais pas la dire du mental. Dans mon cœur vibre libre une vive membrane qui parle du sensible que ne connaît mon crâne. De cela, dans les faits, retenons l'ouverture que c'est de l'impensé que me vient l'écriture. 

    Sachons avoir envie d'en recevoir l'augure pour offrir à nos vies de faire bonne figure. 

    Le voici ce poème. Il vient de ma bohème. Je le dis par le « je », mais je pense tant à vous qu'en le mettant en jeu, je l'imagine en « nous ». Partageons, s'il vous plaît, dites ce qu'il vous amène à sentir, sans délai, du dedans de vous-mêmes. « J'ai quitté le courant d'un ruisseau turbulent, tout remis en balance pour gagner du silence, pénétré dans le temps, immobile au-dedans pour écouter comment parlait mon cœur d'enfant. Oui, j'avais tant besoin, pour aller vers demain de secouer l'univers à pousser mes frontières, d'écouler mes rivières pour dévoiler ma terre, me frotter à mes frères en toisant le Mystère. Avec mon compagnon, de Conques nous marchions, en poursuivant gaiement nos ombres de géants. Via Rocamadour aux coquets alentours, quelques beaux jours encore pour finir à Cahors. 

    J'ai fait des kilomètres sur des sentiers champêtres, gravi des raidillons, descendu des vallons, visité des chapelles, arboré des sanctuaires, en choisissant les aires où prier de plus belle, et peu à peu me mettre à voir que tout mon être, s'accordait, place nette, à vivre et à renaître. 

    Julie nous a touchés de son cas de chaussures qui n'a rien entaché de sa belle posture. 

    Du corps et de l'esprit, peu à peu j'ai compris l'alliance et l'alchimie qui les rendaient amis. 

    J'ai éteint la radio, celle qui portait si haut toutes ces météos loin de mes idéaux. Car l'ego que j'abrite, qui de rancœur milite à coups de dynamite contre tout, sans limite, ce tas d'idées, en fait, qui n'est pas à la fête, 

    je voudrais qu'il arrête de m'abrutir la tête. Un matin, le chemin lui a repris la main, car ce pauvre malin était bien incertain. 

    Au moment de choisir entre aller ou faillir, il a bien dû admettre qu'il n'était pas le maître. Sur un petit muret, en pansant mes orteils d'une douleur sans pareil, j'ai parlé à mon corps lui ai confié le sort, lâchant toute exigence, lui faisant allégeance, car c'est lui qui
    savait. 

    En le remerciant, je me disais confiant, que de sa progression je prenais la leçon, et c'est reconnaissant de son dépassement, qu'enfin à lui vraiment j'entrais en relation. Après cet entremet, où j'étais estropié, je tais à tout jamais « Être bête comme ses pieds ». Connaissez-vous comment les galets les plus doux ont le cœur assez pur ? C'est parce qu'ils ont vraiment, pu résister à tout, 

    de leurs noyaux si durs. Les doux n'étaient pas mous. Les autres se sont dissous. 

    L'Amour qui mène la danse se retient en silence car, s'il est oublié, il se sait en dernier 

    demeurer le premier. Il reconnaît aussi que sa suprématie n'a de sens que si-il est, de cœur, choisi. Le jour de mon supplice, je n'ai pas oublié, Charlotte m'a doublé. Je l'ai interpellée pour une polaire trouvée qu'elle a su décliner. Elle offrait des saucisses, le soir à la veillée. Du bazar du village nous avons transporté Léa en arrivage, au camp de la nuitée. Le lendemain, en somme, toute une chaîne humaine cherchait le téléphone de Léa en déveine. 

    (...)

    ---

    Texte déposé ©Renaud Soubise 

    Musique : ©Paul Baraka - Le Chemin de Compostelle (Way of Saint James)

    Sens des sens

    Sens des sens

    À toi, à ta Vie sensée et riche de tes cinq sens, pour savourer ton courant du fleuve de cristal.

    Que tes yeux ne soient ni troublés ni éblouis, afin que ta vision discerne la beauté essentielle brillant à l'ombre des apparences. 


    Que ton ouïe ne se noie pas dans le vacarme, pour que tu connaisses la douce et paisible vérité de l'entendement se jouant aux tréfonds de toi-même. 


    Que ton corps, en dévoué compagnon, demeure ton meilleur garde à l'interface de l'existence. Libre, véloce et alerte, qu'il te donne à sentir la grandeur du possible vers tes plus beaux horizons. 


    Que les fragrances de rose et d'épice des nuées que tu respires s'imprègnent et fument en toi les volutes de ton parfum le plus exquis. 


    Que tes papilles restent à l'affût et ta fringale inassouvie de t'ouvrir et de grandir aux différences des saveurs de la Vie. 


    Que tu saches alors, à tout moment, pouvoir vivre et savourer le courant du fleuve de cristal qui coule en toi. Il chante sa joyeuse mélodie dans les reliefs et te laisse miroiter le calme majestueux où se confondent sa source et son estuaire, l'aube et le crépuscule.  

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    Texte déposé ©Renaud Soubise 

    Musique : © États d'Âme - Frame of Mind_Baron Eraser

    Cylox

    Cylox

    La planète d’une tout autre espèce humaine (issue d'un rêve).


    En raison d'une avarie au cours de notre périple, nous avons dû faire escale sur la planète Cylox de la constellation de Barzymène. Notre séjour y a finalement duré l'équivalent approximatif de douze années terriennes. 

    L'atmosphère de Cylox est proche de celle de la Terre. Heureusement, nous y avons trouvé de quoi reconditionner l'air à l'aide de nos synthétiseurs en un équivalent acceptable pour nous, et il nous restait un stock suffisant de masques dont nous n'aurions pas pu nous passer pour respirer au cours des premiers temps. 

    Cylox mesure un peu plus de trois fois la taille de la Terre et elle est peuplée, à très grande densité, de la population cyloxienne, un peuple paisible et accueillant, d'une espèce humaine évoluée, dominant des règnes animal et végétal extrêmement diversifiés. 

    Le sol de cette planète est constitué d'un terreau particulier, fait d'une matière minérale et organique proche de l'humus terrien. Il s'agglomère naturellement en forme de poignées de mains humaines cyloxiennes. Leurs mains ressemblent aux nôtres, aux différences qu’elles comportent six doigts, avec deux pouces et deux index de part et d’autre de deux majeurs et que leurs phalanges sont plus de deux fois plus longues en moyenne. En définitive, leurs deux mains sont visiblement semblables, même si, comme pour nous, les cyloxiens se trouvent plus habiles avec la droite ou la gauche, mais de façon bien mieux répartie dans la population. 

    On pourrait croire qu'une armée d'artistes fous a modelé ces agglomérats de terre cyloxienne en forme de poignées de mains moulées, se finissant par un arrondi à la limite de la paume, sans le moindre début de poignet, mais c'est inconcevable puisque, à l'échelle du globe, cela représente des milliards de milliards de paires de mains serrées
    deux à deux l'une dans l'autre. Nous ne savons pas expliquer cette structure naturelle de l'environnement sur le plan biophysique.
    Si l'on creuse le sol ou si l'on remue la terre, les poignées de mains se reconstituent spontanément. Leur taille standard est celle d'un adulte cyloxien moyen, comparable à celle d'un terrien, mais les modelages se redimensionnent par eux-mêmes selon les conditions. Par exemple, si l'on met cette terre en pot, les poignées de mains s'y reforment proportionnellement, à l'échelle parfois de quelques millimètres. 

    La planète Cylox est couverte à soixante-dix pour cent d'immenses océans et de mers enclavées dans deux grands continents.
    Le sable des plages, des fonds marins et des déserts, quelle que soit sa texture et sa composition, est également aggloméré en poignées de mains, parfois jusqu'à une fois et demie plus grandes que celles formées dans les contrées, ou à l'inverse beaucoup plus petites, selon les latitudes. Il en est de même pour les roches des chaînes montagneuses. 

    Sur le plan sociologique, il y a semble-t-il un signe apparent : ces poignées de mains humaines symbolisent l'amitié, l'amour, la fraternité, en tout cas la relation entre les Hommes. Voilà qui est peut-être en lien avec la mentalité singulière des cyloxiens, qui sont de puissants pacifistes dont la principale activité est de couvrir les besoins d'autrui.  Ils vivent majoritairement en couple et chaque individu est doté à la fois des attributs sexuels féminins et masculins, de sorte que dans une même famille les enfants ne sont pas forcément portés avant leurs naissances par le même de leurs (père et mère), et qu'un très grand nombre d'entre eux sont d'âges proches, sans être des jumeaux, parce qu'issus de la gestation réciproque de leurs parents.
    J'imagine qu'il y a là un facteur favorable à cette forte propension qu'a ce peuple à fraterniser. 

    (...)

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    Texte déposé ©Renaud Soubise 

    Musique : © Ambient space music, Univers. Musique libre ; Vlad Glad, Musique Émotionnelle et Incroyable, libre de droits.

    Croisements

    Croisements

    Existences et solitudes en relation, perpétuant notre humanité balbutiante.


    Il n'y a pas de fin 

    aux croisements des temps 

    de tant de vies 

    qui se jouent, se tissent, se portent, 

    se frottent et se forment 

    les unes aux autres, 

    les unes avec, et contre ou sans les autres, 

    s'enrôlent, s'enveloppent, s'enrobent, 

    se lovent, convolent, 

    s'isolent et se dérobent, 

    puis se consolent et s'honorent 

    avant de s'envoler. 


    Sur la piste de danse, 

    notre amour affamé 

    s'ouvre à tout ce qui s'ouvre 

    pour graver dans nos cœurs 

    nos sillons d'existence, 

    comme soif d'océan 

    creuse le lit des ruisseaux. 


    Chaque cycle arrive au bout, 

    là où change le goût. 

    Juste saveur nouvelle 

    d'une ère qui se révèle 

    un âge que l'on choisit 

    de célébrer aussi. 


    Pour qui vide est le vide ? 


    Nos silences, 

    les mêmes en apparence, 

    se tiennent en différence, 

    de présence en résonnance. 


    L'immobilité même 

    se fait dans la nuance. 

    Notre rapport au temps 

    façonne notre expérience, 

    le rythme et la cadence 

    au travers de nos sens. 


    Nos sphères bien distinctes 

    se dupent à s'emmêler, 

    mais en se côtoyant, 

    alors, elles se discernent. 


    Que disent en nous 

    et que disent-ils de nous 

    ces mots d'amour qui naissent 

    de ce qui se dessine, en soi, 

    comme étant vraiment l'autre ? 


    Sont-ce nos vibrations 

    que nous aimons ? 

    Et de nos illusions 

    dont nous souffrons ? 


    L' Amour, le grand, il est 

    ce fou, n'ayant rien décidé 

    pour pouvoir embrasser 

    toute la part du mystère 

    dont il n'a pas vibré.  

    ---

    Texte déposé ©Renaud Soubise 

    Musique : © Musique Libre / Symphonie - Nikos Spiliotis - Love Waltz

    Incarnation

    Incarnation

    Questions ouvertes sur l'esprit et la matière de "Qui nous sommes". Savons-nous cela ? Le saurons-nous un jour ?   


    Je caresse mentalement, doucement, du bout des doigts, le bois nervuré du plateau de la table, simule et anticipe la palpation de matière, en conçoit et en pressent l'impact. Comment se fait-il, se peut-il, que ma pensée s'incarne ? 


    Existe-t-il ce geste en gestation apparu nullement ailleurs qu'en ma psyché silencieuse et immobile ? Des prémices consistantes ont certes déjà émergé. Que sont ces sensations d'acte non accompli ? Où s'impriment-elles et qu'est-ce que leur mise en acte ? 


    Que je sache, la pensée n'est pas matérielle. Nul espace. Nulle particule. Si je peux faire sortir du néant un tel non-rien non-advenu, qui s'y trouverait réenfoui si j'en restais là, qu'en est-il et où est-il en attendant ? 


    Certes, tout un chacun désigne par le même terme la couleur du ciel, mais qui me dit que le bleu si particulier de mon azur existe en un autre esprit que le mien ? 


    Ma perception de parfum, de goût, d'image, autant que du son ou du toucher, ne me contacte pas dans sa forme apparente. Elle est d'abord signal, fluide nomade véhiculé le long de mes circuits nerveux, puis s'élabore, passivement reconstituée loin de son origine, au bout du démêlage insu d'une alchimie cérébrale, en un message à mon esprit qui, d'intelligence et de libre-arbitre agit à sa guise, au point que, s'il en est ainsi, je me demande s'il a besoin d'être incarné. J'ignore d'ailleurs s'il siège et s'il a jamais investi la réalité du corps auquel je me sais viscéralement relié, mais ce codage instantané d'illusion me semble bien compatible avec l'hypothèse du mystère s'opérant à distance. 


    Puis, que se passe-t-il vraiment au moment où j'actualise le geste ? Certes, nous connaissons la suite physique et chimique, de biologie singulière, neuronale puis musculaire. Mais avant ? Comment l'intention se mue-t-elle en décision, puis la décision est-elle convertie dans l'élan primordial qui précède le mouvement ? Où s'opère le passage de l'immatériel à la matière, de l'invisible au tangible ? Savons-nous cela ? Le
    saurons-nous un jour ? 


    En quoi consiste alors l'intermittence de mes rêves ? Aux temps d'incarnation ou au contraire, aux moments où je m'en libère ?  

    ---

    Texte déposé ©Renaud Soubise 

    Musique : © Audio Libre_Paul Fowler - Sink or Swim

    Balise

    Balise

    Sur le chemin de Saint-Jacques


    Sois béni, toi le peintre 

    offrant au pèlerin, 

    les clés du labyrinthe 

    de son sacré chemin. 


    Comme la bouée en mer 

    prévenant des barrières, 

    elle le sécurise 

    ta précieuse balise. 


    Son rouge universel 

    forme une ligne qui tranche 

    la piste dont le ciel 

    luit d'une lumière blanche. 


    Le charme du détour 

    au vent de liberté 

    ne tient que d'un retour 

    dans la sérénité. 


    Tutoyant ses limites, 

    le pèlerin évite  

    ici de s'égarer 

    pour mieux se retrouver. 


    Il endure tellement 

    ses pieds, son poids, son sac, 

    le ravitaillement, 

    son souffle et le bivouac. 


    À vivre l'aventure 

    uni à la nature, 

    en rencontrant ses pairs, 

    se contactant lui-même, 

    ressentant ce qu'il aime, 

    ce à quoi il aspire, 

    ce que son cœur retire, 

    il trace les frontières 

    et révise le sens 

    de toute son existence.  


    Être là pour re-con-naître, 

    littéralement renaître 

    dans ce "SOI" indicible, 

    son "jusqu'où possible", 

    potentiel par lequel, 

    aux confins du Réel, 

    il quittera l'utopie, 

    lâchera les rêves d'autrui 

    pour enfin s'épouser 

    et se réenfanter. 


    Chargé de mise au monde, 

    désirant plus que tout, 

    le pèlerin abonde 

    en misant son va-tout. 


    Cheminement pour lui 

    qu'une telle dépense, 

    dont il croit pour acquis 

    une seule fois la substance. 


    Ainsi, risquer le leurre 

    en dehors de sa route 

    est ce qui lui fait peur 

    et le pire qu'il redoute, 

    à moins qu'il ne s'habite 

    à voir que ses limites, 

    sont des cloisons instables 

    abritant des ressources 

    plus qu'inimaginables.  


    Mille merci pour lui  

    et chapeau compagnon ! 

    Auteur à ta façon,  

    à faire des équations  

    tantôt de pénurie, 

    tantôt de redondance,  

    avec des croix, des stries, 

    des flèches et des silences. 

    Tu sais jouer de nuances  

    d'absence, de négation 

    et de répétition, 

    allant jusqu'à oser 

    une communication 

    dans le sens opposé. 


    Le hasardeux marcheur 

    a bien droit à l'erreur. 

    Parti en discussion 

    ou dans une connexion, 

    il laisse de côté 

    une bifurcation  

    pourtant bien indiquée. 


    Les marques, c'est certain, 

    inscrites de ta main, 

    s'adressent aux pèlerins  

    restés sur le chemin. 

    Les autres sont en errance  

    à l'exacte distance 

    entre vaine ignorance 

    et juste cohérence. 


    Veille à tes pas, marcheur ! 

    Si ta voie n'a plus l'heur 

    d'arborer de couleur, 

    tu dois choisir sur l'heure 

    dans ton for intérieur 

    quelle marque est la meilleure : 

    celle-ci, déjà derrière, 

    ou celle que tu espères 

    tant que tu persévères ? 


    Heureux celui qui marche 

    en rayonnant sa foi 

    dans ses pas, sur la voie. 

    Il parcourt avec grâce 

    son chemin balisé 

    et personnalisé 

    sur lequel il est digne, 

    en écoutant les signes, 

    de bien se retrouver  

    quand il s'est éloigné.  

     ---  

    Texte déposé : ©Renaud Soubise

    Musique : © Guy Marchand - Destinée - Niveau Avancé - Piano (Partition Elie Drai) ; musique pour vlog ou chanté libre de droit piano compo (Manumusique)

    Pile et face

    Pile et face

    C’est lorsque tu n’as pas le choix que tu es libre.
     

    Au fond de toi, ta Souveraineté 

    contre laquelle, 

    parfois ou en permanence, 

    par ignorance, par insouciance, que sais-je encore, 

    tu mises, en quête de vaines promesses. 


    Or, à jamais : Pile tu l'as et face tu l'es. 

    Tu ne choisis pas, ou peu, les circonstances. 

    Vois que souverainement tu es libre de que tu en fais. 

    Aucune autorité externe à toi ne peut te dicter ton regard intérieur, 

    celui que tu poses sur ce qui advient. Nul ne le peut, car là est tout ton pouvoir, ton seul pouvoir. 

    Vois que si tu crois qu'autrui voit pour toi, c'est souverainement que tu lui prêtes tes clés, mais qu'il ne saurait partir avec... Que tu le veuilles ou non, c'est toi le maître et tu es seul. 


    Mais quel est-il ce tout pour toi,  

    ce tout toi qu'aucune force déterminée, 

    même pas la tienne, ne saurait te ravir ? 


    Ta conscience est à la fois son siège et son média, la voix qui te parle de toi pour toi, 

    ce que tu tiens de connu, autant que ce que tu ne vois pas encore, ni même déjà devines. 

    Ne la confonds pas avec ces bruits obscurs que tu te racontes ou te sont racontés,
    n'ayant d'autre but que de recouvrir cette juste voix, de te détourner de toi-même. 


    L'Être en toi, l'Être toi profond, 

    qui est et connaît, même à ton insu ; 

    le fond de toi de toute forme qui te guide à toi 

    et pose son regard, inaliénable même par toi, pour autrui autant que toi, ce Pouvoir
    Nature Témoin et Guide que tu es n'est pas une option. 


    Le quérir, ce toi, réellement toi, en toi  que pile tu as, que face tu es, 

    c'est t'éveiller à lui, 

    le découvrir, ce qui ne signifie pas le choisir, 

    car tu n'as pas ce choix, 

    nul ne l'a pour lui-même ; 

    c'est en réalité 

    fixer nulle forme à l'avant-plan, 

    traverser les brumes et les nuées, 

    te dépouiller des enveloppes, 

    délaisser les volutes pour la voûte, 

    être assez nu pour ta Joie Pure 

    et ne rien choisir d'autre que 

    ce mystère qui te fonde, 

    ce Tout qui te révèle 

    de tout espace et de tout temps, 

    à célébrer de tout ton être. 


    C'est précisément qui tu es, 

    ta nature profonde, 

    que tu n'as pas d'autre choix que de choisir. 

    C'est dans l'authenticité du choix de ce non-choix, 

    dès lors que consciemment tu y consens, 

    en y mettant toute ta force, toute ton âme et tout ton Amour, 

    c'est là alors, et là seulement, que tu es libre. 


    Pile tu l'as et face tu l'es ! 

    Alors, en toi et par toi, s'initie ton initiation à te laisser être qui tu es. 


     ---  

    Texte déposé : ©Renaud Soubise

    Musique : ©Chostakovitch - 5 Pièces pour deux violons et piano, interprété par Hector Burgan et Geneviève Laurenceau (violon), Rodolphe Menguy (piano) 

    Poil de cheveu

    Poil de cheveu

    Ça ne tient à pas grand-chose des fois, l’humanité.  


    Je tire ma valise à roulettes dans le sous-sol d'une grande gare parisienne. 

    C'est la transhumance estivale. J'avance doucement en direction du métro, dans un couloir bondé de familles aux bagages volumineux. 

    Soudain, choqué et surpris, un géant que je n'ai pas entendu venir m'a doublé en courant, le grand sac de sport sur son épaule me heurtant brutalement. J'ai eu peur, mais ça va. Ni excuse, ni déviation, il fonce en forçant et bousculant tout sans retenue sur son passage. Pas un mot ne sort de sa bouche, mais tout son corps exprime
    la colère. 

    En accédant à l'escalier mécanique surplombant le quai, je l'observe, bloqué au beau milieu des marches, derrière le mur de valises d'un petit groupe d'américains. Impossible de passer. Il hurle, et sa rage s'amplifie à la lenteur de la descente, tandis que la rame qu'il ne peut plus que manquer arrive à quai. Les secondes passent, il éructe, le métro sonne, ferme ses portes et repart à peu près au moment où il parvient à se dégager. 

    Encore un court instant et j'arrive derrière. Je dois dépasser l'énergumène devenu la violence incarnée, pestant en déambulant sur toute la largeur du quai, les mâchoires serrées entre deux jurons et ses grands poings fermés boxant l'air confiné de la station. 

    Jeune, immense, il dégage beaucoup de force, une boule d'énergie incontrôlée qui en impose. Peu téméraire, je le contourne avec précaution et vais m'asseoir un peu plus loin, sur une brochette de sièges fraîchement vidée. 

    Le tableau annonce cinq minutes avant la prochaine rame. Le bonhomme a terminé sa danse et voilà qu'il se dirige vers moi. Il y a des sièges de libres à droite, mais non, c'est celui que j'ai laissé juste à ma gauche qu'il choisit. Quatre minutes à tenir. Je me promets de ne faire quoi que ce soit qui attire son attention, rien qu'il risquerait de prendre pour une provocation, car certes, il s'est assis, mais l'irruption volcanique est loin d'être tarie. Il sue et ne fait que jurer. 

    « Cool ! Tout va bien se passer. » 

    Je me concentre sur mon souffle, comme je le fais souvent pour que la contagion se fasse dans le bon sens, entre paix intérieure et chaos externe. J'y crois. 

    3 minutes. 

    Le gars entreprend d'évacuer son énergie en imprimant un puissant rythme nerveux à son genou gauche. De la barrette des sièges, tous suivent le même mouvement
    solidaire et me voilà secoué, vibré de multiples soubresauts. « Passivité, patience. Admettons, acceptons. Il n'y en a pas pour longtemps ». 

    J'ai vraiment pensé que j'allais y arriver, jusqu'à m'apercevoir avec stupéfaction du dédoublement complet de ma tête, espérant la sagesse, et de mon corps qui m'atterre de le voir jouer seul sa partition. 

    Depuis mon trampoline, je suis incapable de réfréner l'inclination tranquille de mes épaules et de mon visage pour me tourner vers lui sans complexe. 

    Et, bingo ! Il ne se passe pas une seconde pour que ses yeux furieux se plantent dans les miens et qu'il vomisse sur moi son énergie enrouée, dans ce que j'interprète qu'il me dit en substance : « Quoi ? Qu'est-ce t'as toi ? Qu'est-ce tu veux ? ». 

    Je me sens empêtré pour chercher ce que je pourrais bien lui répondre, sans me douter que mon libre arbitre va de nouveau m'échapper, et c'est encore avec stupeur que je m'entends dire d'une voix absolument calme et maîtrisée : « Rien d'assez important pour qu'on se dispute ! ». Wow, je n'aurais pas imaginé mieux ! Il me regarde, peut-être aussi hébété que je le suis moi-même, en tout cas éteint. Il a besoin de deux ou trois secondes pour se refaire.

    (...)

     ---  

    Texte déposé : ©Renaud Soubise

    Musique : ©Ma Musique Libre - No Copyright| Cinematic Epic Background Music | Free Background Music | Royalty Free | Audio Instore, Licence de paternité Creative Commons
    // Musique Action Epique - Action Strike, Rafael Krux // Sound-fishing - bruitages metro-1sation-loop ; MrKey_Cornflakes-Memories_LMK ; Le-vagabond-et-le-marginal_LMK

    Magnitude

    Magnitude

    Croyons-nous que ce que nous captons est à la magnitude de ce qui nous traverse ?  


    Si tu viens, juste un temps, 

    faire taire en toi la turbulence, 

    ce brouhaha tumultueux  

    meublant ton existence du moment, 


    pour prêter attention, 


    une attention vivante et vigilante 

    à ne rien désirer, à ne rien diriger, 

    ne plus rien avaler, ni même digérer... 

    à cesser toute emprise et toute volonté 

    sur la vie qui coule en toi, 

    s'ébroue et te façonne, 


    nulle influence, 

    nulle pression, 

    nulle répression  

    sur quoi que ce soit, 

    nulle autre action ou intention 

    que d'être 

    et goûter ce qui est. 


    Le temps qu'il te faut, observe  

    jusqu'à réaliser peut-être  

    que ce qui est à présent, 

    en toi et pour toi, 

    le fut et l'est 

    en quelque sorte sans toi, 

    à ton insu 

    et que désormais, 

    ce qu'il en sera t'appartient. 


    Arrivé là, 

    approche-toi au plus près 

    de cet amour qui vibre 

    dans ton cœur, dans ta poitrine, 

    où que ce soit de tout ton être. 

    Peux-tu prendre la mesure 

    de cette intensité, 

    et de cette étendue 

    dont les frontières dépassent 

    et dilatent toutes tes dimensions ? 

    Peux-tu sentir et reconnaître ta nature, 

    l'identité profonde de ton âme ? 


    Tu es la scène, le cadre, 

    l'unique espace, l'instance 

    où se joue ce que tu sens, 

    le réceptacle de ce qui passe en toi, 

    le canal et le lieu de ce passage, 

    ce maillon essentiel et singulier 

    qui reçoit et qui porte 

    le flux de la vie. 


    En ayant bien conscience 

    de la densité de tes filtres, 

    du poids de ton inertie, 

    de ton pouvoir d'occultation, 

    d'enfouissement et d'oubli, 

    imagine alors, 

    ressentant le signal d'Amour 

    tel que tu le perçois, 

    l'Infinie Magnitude 

    de Ce qui te traverse.  

     ---  

    Texte déposé : ©Renaud Soubise

    Musique : ©Baron Eraser - Apophis 2029

    Se pardonner pour avancer

    Se pardonner pour avancer

    Si je mérite, c’est bien de m’hériter sans m’irriter  


    Je marche dans la forêt, concentrant mon esprit vers l'énergie du pardon, celle qui donne la force de déterrer ce qui est d'autant plus et bien enfoui que regrettable. 


    C'est ma conscience du moment présent qui regarde ce que j'ai pu sentir, dire, faire pour incarner mon être dans un autre temps, un autre contexte et une conscience autre. 


    Le passé douloureux est comme un compost qui peut fertiliser ma vie d'aujourd'hui, mais il me faut pour cela bêcher, biner et labourer, trouver les mauvaises herbes, les sortir et les voir sorties ; goûter peut-être qu'elles avaient chacune d'autres herbes pour origine, que j'ai laissées prendre place, sans sentir ou comprendre de leurs effets et de leurs influences ; accepter, non pas le quoi, mais le soi : m'accepter moi-même ayant été sujet de sentiments, d'actes ou de paroles regrettables, qui traduisaient sans doute mon mieux, quel qu'il fut, aux frontières de ce que je concevais alors être mon potentiel. 


    Ce jardinage en mon âme et mon esprit m'ouvre à présent et sans regret, à la capacité consciente et souveraine d'avoir dépassé ce stade, de trouver et de savourer qu'il y a déjà eu guérison pour pouvoir emprunter et poursuivre la voie de ce qui peut encore être réparé. Il est toujours possible de s'adresser à la vie, de lui demander pardon et de trouver le moyen sincère et singulier de lui rendre d'autant plus qu'il est tard. 


    À l'aube de ce défrichage, je n'étais pas si net, mais pas moins moi-même que maintenant. Je reconnais simplement et humblement mon chemin. L'énergie du pardon est aussi celle me permettant de voir que ce qui me guérit s'offre aussi et tout autant à l'autre. Si je mérite, c'est bien de m'hériter sans m'irriter.  

     ---  

    Texte déposé : ©Renaud Soubise

    Musique : ©Beethoven – Moonlight Sonata (Extended)

    Bébé maman

    Bébé maman

    Amour, Inversement des rôles, Juste réciprocité sur nos Chemins de Vie, sans forcément rendre autant que reçu > Tout est bien !  

     

    Texte déposé : ©Renaud Soubise  

    Musique 1 : ©Le Duo CelloPiano (Chocolat Musical) - Violoncelle : Marion Colas  

    Piano : Ludivine Lecureur / Si maman si (France Gall)

    https://youtube.com/playlist?list=PLSHFrm5PN7z_Xa72dACmFPfvG7duwMquO 

    Musique 2 : Thoughtful Cinematic - Piano (libre de droit)


    ---

    J'arrive dans la banlieue sud de Lyon, ce vendredi de septembre, à minuit passé, par le dernier métro qui suit le dernier train, avec toujours cette petite inquiétude : se souvient-elle de ma venue pour m'ouvrir l'immeuble ? 

    Elle m'attend, là, enjouée de mon arrivée, m'embrasse et m'offre à boire avant d'aller dormir. 

    Samedi matin je l'observe discrètement somnoler dans son fauteuil devant la télé. Elle est surprise de ma présence, lorsqu'elle m’entend bouger dans la cuisine. Du coup, elle est en quête de ce que sera cette journée qui ne commence pas comme les autres.  

    Ma sœur et mon beau-frère remontent du sud de la France. Ils seront là en fin de matinée. C'est moi qui m'occupe de faire les courses et de préparer à manger, elle peut donc continuer de remplir tranquillement ses grilles de mots croisés. Voici le détail de ce que nous allons manger ce midi. Ce soir, l'un de mes frères avec sa femme et leurs deux filles nous rejoindront pour dîner, ainsi que l'épouse de l'aîné de la fratrie, parti trop jeune. Le dernier ne viendra pas, une activité de weekend prévue de longue date. 

    Ces informations, elle me les demande une bonne quinzaine de fois en moins de deux heures, et je lui réponds comme si chaque question était neuve. 

    Je voudrais savoir si l'infirmier qui passe cette semaine est Lionel ou bien Éric. Elle rétorque, sur un ton sans appel, que depuis la disparition de mon père, il n'y a plus d'infirmier, puisque c'est pour lui qu'ils venaient. Elle n’a pas fini sa phrase que Lionel sonne, entre dans l'appartement, me salue amicalement et lui donne son médicament, tout en lui proposant de passer à la douche. Elle résiste un peu, mais il sait comment lui
    parler et c'est docilement qu'elle le suit. 

    En les voyant partir vers la salle de bain, j'annonce que je pars faire les courses, en saluant Lionel que je reverrai sans doute encore avant ce soir. 

    Il est à peine 11h00 quand je suis de retour avec mes bras chargés de cabas pour tout le weekend. Je la trouve dans son fauteuil, terminant le dessert de son déjeuner. Elle me sourit. Ça a l'air bon. Je commence à lui exprimer ma surprise quand je remarque que l'assistante de vie pour les repas est en train de terminer le rangement dans la cuisine. Personne ne lui a parlé de l'annulation de sa prestation du weekend, pourtant faite. Tant pis, peut-être que Maman pourra tout de même goûter un petit peu au repas que je m’apprête à cuisiner. 

    Une fois seule avec moi, elle me demande gravement où est mon père. Pour la énième fois depuis qu'il nous a quittés en juillet, je le lui redis, et je vois que cette nouvelle sonne doucement comme la confirmation de ce qu'elle sait déjà. 

    Je répète encore, autant de fois que nécessaire, comme inédit, tout ce qu'elle veut savoir pour tout ce qu'elle demande. Elle a oublié qu'elle a mangé et dit qu'elle n'a pas très faim, mais elle a bien hâte qu'ils arrivent pour qu'on prenne l'apéro. Elle se déclare même candidate à une petite avance. 

    Tout le weekend se déroule de cette façon. Quand nous sommes tous là, elle écoute nos échanges d'une oreille distraite en faisant ses mots croisés dans le brouhaha de la télé qu'elle n'arrive pas à éteindre mais qu'elle n'écoute pas. C'est pour lui qu'elle la met, et maintenant qu'il n'est plus là, c'est pour nous. Il est vain de lui dire que cela ne nous intéresse pas. Si elle l'éteint, il ne lui faut pas deux minutes pour oublier et la rallumer en toute innocence. Elle est contente que nous soyons là et se demande toujours si ce n'est pas bientôt l'heure de l'apéro. (...)

    Maturité

    Maturité

    On n’est jamais mûr que là où l’on se trouve 


    Maturité. 

    État subtil de bascule en capacité 

    où il devient possible de rendre à la Vie, 

    pour nourrir et donner de soi 

    à soi, autour et au-delà. 


    Graines nées de mûres plantes 

    s'adonnent en terre où elles y sont prêtes 

    à s'étendre en germes, 

    germes mûrs à frayer racines 

    et tiges mûres à la nuit, émergent en pousses 

    qui éclosent au plein jour. 


    Si nous aimons la vie, alors, aimons l'inconnu 

    pour être mûrs et prêts, 

    car ce qui est connu est déjà mort ; 

    mort, mais non révolu, recyclé en humus. 

    Humus jailli du trop, du passé, du trépassé,  

    en manne neuve, nourriture du vivant, 

    ce nouveau qui vient et continue de venir. 


    Le seul instant éternel est présent. 

    Moi qui le vis cet instant, 

    je ne suis plus celui de l'instant d'avant ; 

    l'autre non plus, sans doute, 

    dont l'instant présent n'est pas, pour lui, 

    le même que le mien, à même heure, 

    voire même lieu. 


    Mon seul choix fondé 

    est de vouloir l'inconnu, 

    ce qui est et ce qui vient. 

    Je n'ai pas là d'autre besoin que d'Amour 

    et ne crains nullement d'en manquer. 

    J'ai de l'Amour parce qu'il circule 

    et que je le reçois, si je le redonne aussitôt, 

    pour en avoir du nouveau, 

    du vivant, du chaud, et pas du réchauffé. 


    En chaque instant, alors, 

    voici mon souffle nouveau, 

    le nouveau battement de mon cœur 

    mon nouvel état d'âme, 

    le nouveau sourire 

    de l'enfant nouveau 

    qui amuse et enseigne, 

    s'amuse en apprenant, 

    que je ne cesse d'être et de devenir, 

    heureux de célébrer la vie, 

    la vie nouvelle en chaque instant 

    d'une enfance éternelle 

    qui pétille et nourrit mon présent 

    que je redonne déjà, continuellement, 

    c'est sans fin... 


    Le Pur, le Doux, le Libre 

    font le Fort en chacun de nous 

    qui est cette enfance, 

    on ne peut plus mature que d'être neuve, 

    et qui n'en finit pas de renaître. 

    Que l'on se cherche ou non, 

    on n'est jamais mûr 

    que là où l'on se trouve.  


    ---

    Texte déposé ©Renaud Soubise 

    Musique : © Johannes Brahms - Wiegenlied Op. 49 No. 4 (Lullaby) ; Bruitage - Boite à musique - Berceuse - Enfant - Music-Box lullaby - Julien Nègre Productions

    Saine méditation

    Saine méditation

    Le chemin intérieur  

    Saine Méditation 

    Intériorisation 

    Non agir agissant 

    Éloignement des faits 

    Levée de l'intellect 

    Retrait de la pensée 

    Sortie du raisonnable 

    Évanouissement des mots 

    Émergence du silence 

    Dilution de l'instant 

    Disparition du temps 

    Aspiration à vivre, 

    Ancrage sur le vivant 

    Focus sensoriel 

    Règne du ressenti 

    Scrutation des appuis au gré des pulsations 

    Nourriture par le souffle 

    Repoussée des limites 

    Intuition d'indicible 

    Vision de l'invisible 

    Inspiration du sens 

    Respiration de paix 

    Poésie de l'Esprit 

    Bonification pure 

    Formulation nouvelle 

    Vocation de l'Amour 

    Enchantement de l'âme 

    Mutation du regard 

    Avènement du possible 

    Renouveau créatif 


    Retour illuminé depuis cet autre plan 

    Dans le monde inchangé où nous faisons vibrer 

    Un doux rayonnement qui n'a pas échappé 

    Serait-ce inconsciemment, à l'environnement 

    Qui se laisse surprendre, légèrement chamboulé 

    Et pas indifférent. 


    Il sait subtilement s'adapter en silence, 

    Intégrer les secrets des nouvelles nuances 

    Faire pivoter d'un cran, imperceptiblement

    La grande roue à aube de la conscience du monde. 


     ---  

    Texte déposé : ©Renaud Soubise

    Musique : ©Amarià - Sérénade à Notre Dame de Paris. Musique Piano Classique libre de Droits.

    Vivre à l'infinitif

    Vivre à l'infinitif

    Conjugaison des émotions  

    La joie naît de « recevoir », 

    la peur est de « perdre », 

    la colère vient « de ne pouvoir garder » 

    et la tristesse d'« avoir perdu ». 


    Nos émotions, gonflées aux vents de nostalgies, relancent la quête inassouvie de notre identité enfouie. 


    Ainsi, « Avoir la paix » est moins paisible que d'« Être en paix », ce qui semble l'essence même de ce que doit nous apprendre notre existence ici-bas. 


    Or, c'est à l'indicatif que nous existons, apprenons et évoluons ; ce mode évasif, complexe et turbulent dans lequel nous croyons devoir composer pour conjuguer nos vies : au présent comme frêle interface dévote et dépendante d'un conditionnel de superstition et de prudence, d'un passé conformiste, simple ou imparfait, ébauchant notre futur optimiste ou fataliste. 


    En fait, c'est de verbes que nous sommes les sujets, pris dans les mailles du temps du paradigme fatigant d'une geôle que nous cajolons pour amadouer et conforter le sort que nous savons limité et périssable, auquel nous ne pensons pas pouvoir échapper, ignorant alors que la porte est grande ouverte. 


    Nous n'avons pas d'autre essence que nous-mêmes, ni d'autre source de contentement que de consentir à vivre notre unicité aimante et aimée dans l'unité vivante et contenante de l'Univers et du monde, avec les autres. 


    « Être » n'est ni errant à l'indicatif, ni subjugué au subjonctif, ni soumis à l'impératif. Cela exprime le « Libre » à l'infinitif où nul n'est besoin de temps, d'attributs ou de compléments. Cela suffit à dire « Être soi-même», au même sens qu'« Être en paix ». 


    Notre salut n'est pas lié à l'avènement d'un temps meilleur, à l'obtention d'un résultat, au fruit d'un effort dans une discipline, à une allégeance à un dogme ou à une religion. Il n'est tout simplement pas du mode où nous sommes et il ne nous faut guère plus qu'un battement de cils, certes inspiré, audacieux et bienveillant, pour y advenir. 


    « Être », par-delà le tumulte, les épreuves et les circonstances, les émotions, les vents et les marées, c'est naturellement, sans effort, sans artifice et sans travers, d'instant en instant et de toute éternité, garder l'Esprit fidèle pour demeurer solidement ancré à notre identité-conscience de « Qui nous sommes ».  

     ---  

    Texte déposé : ©Renaud Soubise

    Musique : ©Erik Satie - Jazzopédie

    Bonheur horizon

    Bonheur horizon

    Riches à la fois de l’expérience et de l’espérance  


    Le bonheur, on ne le cherche pas, 

    On ne le trouve pas. 

    Nous le découvrons. 

    Nous découvrons qu'il est toujours là 

    bien que nous ne l'atteignions jamais vraiment. 


    Il est notre ligne d'horizon 

    pas toujours visible 

    et toujours là, devant. 


    Comme le belvédère qui nous oriente et vers lequel nous allons. 

    Lorsque nous l'atteignons, nous pouvons admirer
    la vue, respirer, prendre conscience du chemin parcouru... 

    et découvrir encore 

    qu'il existe un ailleurs 

    plus haut, plus bas, 

    par ci, par là... 


    L'horizon est toujours là où nous allons 

    jamais là où nous sommes. 


    En marchant, en gravissant, en avançant, même en nous arrêtant
    avant de repartir, 

    nous cheminons. 

    En cheminant, nous devenons. 

    En devenant, nous apprécions, 

    quelle que soit la tonalité de notre appréciation. 

    C'est à cela que sert l'horizon. 


    Ainsi, nous poursuivons notre idée, notre conception du bonheur,
    l'image que nous tricotons de lui, 

    pour goûter, 

    pour vivre l'expérience de voir 

    que cette image évolue, 

    que nous la façonnons, 

    qu'elle nous façonne, 

    que, 

    de prise de conscience en lâcher-prises, 

    d'ajustements en changements, 

    nous convergeons ou nous nous éloignons, 

    encore et encore.


    Sans visée, sans perspective, nous ne serions pas en marche. 

    Le bonheur, est la ligne d'horizon qui est devant. 

    Elle existe, elle n'est ni un rêve, ni un fantasme, nous la voyons vraiment. 

    Alors nous traversons l'existence en quête d'essentiel. 


    Au bout du compte, 

    que nous le reconnaissions 

    ou non, 

    nous sommes riches 

    à la fois de l'expérience et de l'espérance. 


    Qui peut imaginer vivre l'une sans l'autre ? 


    L'existence est un nomadisme 

    et c'est nous-mêmes 

    qui colorons notre chemin.  


    ---

    Texte déposé ©Renaud Soubise 

    Musique : © Beethoven - Symphonie n°9 - Ode à la joie version instrumentale 

    Monsieur Monsieur

    Monsieur Monsieur

    Le courage de la douceur


    Quelle ruche que cette brasserie du centre-ville à la mi-journée. Nous sommes des dizaines, debout au bar, à table, en terrasse, dans le fond et dans les recoins. Il entre et il sort de tout, des ouvriers, des étudiants, du business, des bancs de collègues sortis des bureaux pour l'apéro, la formule du jour, une entrée-plat, un plat-dessert ou la complète, un croque, un sandwich, une salade ou une quiche, une bière, un vin au verre, une carafe d'eau, un express, un café gourmand, mousse au chocolat, crème brûlée, île flottante. 

    Ça rit, ça crie, ça piaille, pétille et ça défile. 


    Les serveurs sont au beau milieu de leur marathon quotidien, et ça carbure aussi en cuisine pour sortir les plats et les desserts du rush, sous l'œil affûté de la patronne qui tient la caisse et à qui rien n'échappe... de ce qui l'intéresse. 


    En l'occurrence, il n'intéresse personne de m'apporter mon addition. J'ai déjà hélé le garçon plusieurs fois, mais peine perdue. Sa priorité n'est pas à ceux qui partent. Je lui avais dit que j'étais pressé, et c'était ok jusqu'à présent, mais là maintenant, ça coince. Je vais être en retard.  Allez, je me lève et vais moi-même à la caisse. Pas facile de passer mon manteau, d'extirper du dessous et de charger mon sac à dos dans les dix centimètres qui séparent ma petite table individuelle de celle de ma voisine aux prises avec ses profiteroles.  


    Je progresse lentement vers le comptoir en passant devant le bar où se tiennent quelques jeunes filles hilares. Je les contourne pour me placer sagement à la queue de la caisse. Pour mon rendez-vous de 14h00, ça va être juste, il y a trois personne avant moi, et cela n'avance pas vite. 


    « Monsieur, Monsieur...». L'appel est à la fois clément et carré. Dans le brouhaha, je n'y prête pas tout de suite attention. 

    « Monsieur, Monsieur...». Oui, c'est bien derrière moi. Je me retourne et découvre le visage d'une lycéenne toute fluette aux côtés de ses comparses. Son regard est direct, mêlant confiance et détermination, avec un petit pli entre les sourcils. « Pourquoi vous êtes passé devant nous ? ». Surprise. Je ne suis pas passé devant elles. Je les ai bien
    vues installées au bar. Quel calme clair aussi que son apostrophe ! Une question toute simple, légitime, pleine de fermeté pour recevoir une explication factuelle. Quelle douce invitation à la totale responsabilité ! 


    « Ah ? Mais vous n'étiez pas au bar ? J'ai cru...». 

    « Non, nous faisons la queue à la caisse, et la queue passe devant le bar, Monsieur ». 

    « Ok, bon. Veuillez m'excusez. Je n'avais pas compris » dis-je en prenant ma place
    derrière le petit groupe. 

    À présent, pour 14h, ça va pas le faire. Mais à toute chose malheur est bon. Prenons le temps de bien sentir ce qui se joue. Cela ne m'arrange vraiment pas que ces jeunes filles n'étaient pas au bar, mais je vais retenir cette belle leçon de paix. Parce que je suis encore plus en retard, ce qui habituellement devrait davantage m'énerver, mais là non. C'est comme ça.
    Pas de drame. Tout est bien. 

    Elles ne m'ont pas dit « Dis-donc, malotru, à la queue comme tout le monde ! ». Elles
    ne m'ont même rien dit d'irritant. Je suis passé devant elles par erreur, sans m'en rendre compte. Pour elles c'était un fait. Et avec courage et paisiblement, elles m'ont juste demandé de m'expliquer, sans plus... pas la moindre insinuation. Résultat, je suis encore plus en retard, moins satisfait, mais pas plus tendu, bien au contraire. 


    Il faudra que j'y pense tiens ! Au lieu d'accuser : « Tu l'as fait exprès hein ! », je peux aussi laisser à l'autre toute latitude pour donner ses bonnes raisons, simplement en le questionnant : « Pourquoi as-tu fais cela ? ».  

     ---  

    Texte déposé : ©Renaud Soubise

    Musique : ©Lyrics world_Accordion ; AMBRest_Restaurant (ID 0624)_LSonotheque 

    Méditation

    Méditation

    Le souvenir inné d’une joie indicible  


    Le silence niché au doux sillon des âges 

    Offre au temps à jamais sa noble profondeur 

    Et le temps par retour et en juste partage 

    Invite son ami à veiller sur ses heures 


    De leur sourire enjoué s'élève dans mon âme 

    Le souvenir inné d'une joie indicible 

    Ma nostalgie complice que ce réveil affame 

    Emporte le blason d'une quête indéfectible 


    Hélas retenu par un bruit inaudible 

    Mon silence n'est pas propre à sourire au temps 

    Longtemps j'ai demandé à leurs cœurs inflexibles 

    De m'accueillir en eux pour me combler autant 


    À mesure que ce vœu m'envahissait l'esprit 

    Je demeurais intrus et tenu à distance 

    Jusqu'à l'instant où las d'en acquitter le prix 

    Je ne formulais plus désir ni espérance 


    Je m'aperçus soudain de la présence du vide 

    Qui n'avait pas cessé de m'observer moqueur 

    Il m'offrit de confier à son corps impavide 

    Le soin de me porter car il avait du cœur 


    C'est alors que mon temps s'illuminait si bien 

    Rayonnant au nouveau degré de mon silence 

    Et je sentais joyeux que leur sourire intense 

    Prenait sa source en nul autre cœur que le mien 


    Ainsi auréolé d'une neuve conscience 

    Je vis même que le vide avait noué la tresse 

    Qui unissait le temps et le silence en liesse 

    Et remplissait l'espace pour parfaire l'alliance 


    Le vide lovant l'espace, le silence et le temps, 

    Quatre jeunes compagnons pétris d'éternité, 

    Avides de lumière de distance et de tant 

    D'Amour que contenu dans toute l'immensité.  


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    Texte déposé : ©Renaud Soubise

    Musique : ©Rafael Krux - Big Eyes / libre de droit ; CLOCKMech_Horloge (ID 0007)_LS