Comme évoqué précédemment, les protagonistes de ce cas d’usage est un peuple chinois fédéré autour de traumatismes collectifs liés, entre autres, aux Guerres de l’opium. Un peuple chinois qui a su se rendre suffisamment attractif et indispensable pour capter des capitaux occidentaux et se développer efficacement. En outre, nous avons une société civile fondée sur le collectif et la soumission à celui-ci qui souhaite bénéficier activement des fruits des victoires réalisées, d’autant plus que l’idéologie Maoïste oriente la psyché dans cette forme de victoire collective.
De l’autre côté, nous avons l’Occident avec, en son centre névralgique, l’économie américaine et son industrie de pointe. L’intérêt de l’Occident est aussi ce qui caractérise la difficulté d’une opération d’envergure visant à s’affranchir de l’industrie aéronautique des anciens colons : la multitude des systèmes et des puissances. C’est une difficulté, car cela signifie qu’il faut structurer l’opération de façon structurée et sur plusieurs fronts. L’intérêt réside dans la concurrence exacerbée qui existe entre les entreprises occidentales, ces dernières appliquant la doxa américaine de toute puissance du marché. Cette multitude permet notamment une pluralité de modes d’organisation, de codes sociaux, de sentiments à exacerber qui sont autant de biais cognitifs exploitables en Renseignement humain. En outre, cette multitude permet également d’organiser une opération de collecte d’informations et de pillage de secrets industriels chez plusieurs opérateurs, ce qui rendra mécaniquement plus difficile le blocage du projet et l’atteinte de l’objectif final : créer une flotte d’avions gros porteurs adaptés à la réalité économique chinoise.
Le bénéficiaire de l’opération est le constructeur aéronautique chinois :
- COMAC - Commercial Aircraft Corporation of China
- Fondation le 11 mai 2008, à Shangaï
- La société est détenue à 31,58 % par la SASAC (Commission chinoise d'administration et de supervision des actifs publics, elle-même sous autorité directe du Conseil des affaires de l'État de la république populaire de Chine)
- Quelque 26,32 % sont également aux mains de l’AVIC (Aviation Industry Corporation of China, holding de plusieurs sociétés spécialisées dans l’armement aéronautique chinois)
- Le capital social est de 2 Mds EUR
Nous avons donc, dans la structure de ce véhicule juridico-financier, des intérêts de puissances avérés et des moyens financiers suffisants pour bâtir une industrie. Les projets initiaux de la COMAC (ARJ21, un avion de 70 à 90 places, C919, un avion de 168 à 190 places, CR929, un projet d'avion de 250 à 300 places) exploitaient la stratégie « gagnant-gagnant » instaurée durant les décennies précédentes. Toutefois, ces trois assets et leur chaîne de production posent quelques questions concernant l’autonomie de la COMAC.
En effet, pas moins d’une quinzaine de composants technologiques sensibles relèvent de fournisseurs étrangers et, notamment, les deux tiers sont de provenance américaine. Ce que les dirigeants et stratèges chinois comprennent, c’est que leur souveraineté aéronautique et logistique est potentiellement sous influence américaine et que la relocalisation de ces productions sur le sol chinois doit être réalisée pour réellement maîtriser la gestion logistique.
S’imposer sur la scène internationale comme un leader du domaine, rivalisant avec AIRBUS et BOEING, implique une montée en compétence. Pourtant, le temps presse. La société CrowdStike identifie une opération d’ampleur ayant été menée entre 2010 et 2015. Cette société américaine offre des services de cybersécurité dans le domaine de la protection applicative anti-virus, du Renseignement concernant les menaces et de Réponses aux cyberattaques. CrowdStrike est cotée au NASDAQ, elle se compose de près de 3 400 employés et devrait réaliser un chiffre d’affaires autour de 1,3 Mds EUR sur 2022 en considérant sa forte croissance.
Ce que CrowdStrike a identifié est donc le fruit d’une longue et méticuleuse analyse appuyée par une expertise reconnue. La COMAC a collaboré étroitement et de manière coordonnée avec un groupe de hacker responsable des opérations en Renseignement Technique dénommé pour l’affaire Turbine Panda. Ce groupe et les opérations de renseignement humain furent pilotées par le JSSD, le Bureau de la Province du Jiangsu du ministère chinois de la Sécurité d'État (MSS).
Plusieurs sources furent recrutées afin de permettre le déploiement des outils de collecte de données de Turbine Panda au sein des entreprises américaines comme General Electrics, mais aussi de sociétés françaises à l’instar de Safran. Ces sources permirent d’entamer des travaux spéculatifs. Concrètement, cela signifie que les expertises occidentales sont financées sous forme de bureau d’études et pilotées régulièrement dans leurs démarches sans jamais pour autant remettre au client final la totalité des éléments. Cela permet donc de bénéficier de l’ingénierie occidentale à moindres frais, puisque la propriété intellectuelle n’est pas rémunérée si elle n’est pas acquise. En parallèle des démarches de pilotage du projet en tant que « client » auprès des cibles, les logiciels de collecte de données infiltrait et exploitait tout ce que le savoir occidental pouvait produire sur le dossier, l’ensemble étant ensuite analysé par rétro-ingénierie (ou reverse engineering) au sein des équipes chinoises.