Trois événements récents sont appelés à marquer durablement les esprits. Le désastre afghan, la guerre de la drogue dans les quartiers Nord de Marseille et dans d’autres villes françaises, l’ouverture – enfin – la semaine dernière du procès des terroristes qui ont semé la mort au Bataclan le 13 novembre 2015. Un procès qui devrait durer six
mois pour juger Salah Abdeslam et ses complices.Â
Très prochainement, la Voix du BĂ©arn traitera au fond avec des experts chacun de ces trois sujets. Auparavant, nous souhaitions rediffuser cette Ă©mission que nous avons diffusĂ©e le 21 avril 2020, en plein confinement. Pour des raisons simples qui permettent d’éclairer des sujets aussi graves.Â
A priori, entre eux, le premier lien semble être l’islamisme radical qui s’alimente par la drogue. Mais ne faut-il pas aussi se poser deux questions : comment en sommes-nous arrivés là et n’aurions-nous pas pu nous épargner ces trois désastres qui n’auraient dû
surprendre personne, en tout cas, pas eux qui nous gouvernent ? Â
En fait, il y a un deuxième lien Ă opĂ©rer, c’est de constater des deux cĂ´tĂ©s de l’Atlantique une mĂŞme faillite du politique qui ne tient pas compte des alertes qui lui sont donnĂ©es. Les politiques restent « dans le temps court ».Â
Les gouvernements français ne peuvent pas dire, par exemple, qu’ils n’avaient pas été prévenus par leurs services des guerres de 1870, de 1914 ou encore de 1940 ! Celle de 1914, aurait pu éclater à tout moment à partir de 1895… En 1905 elle était « imminente ». Et entre 1933 et 1936, ils faisaient quoi nos gouvernements ? Après la « Der des Der », les « années folles », certes il y a eu « les congés payés » en attendant la « drôle de guerre ». Et on a eu Munich, une nouvelle Guerre Mondiale, l'humiliation de l'occupation et une Europe dévastée.
L’insouciance ne s’improvise pas Â
Comme l’a écrit Honoré de Balzac dans ses pensées : “L'insouciance est l'art de se balancer dans la vie comme sur une escarpolette, sans s'inquiéter du moment où la corde cassera”…
Â
Au-delà d’une certaine insouciance pour le temps long conjuguée à une incompétence tout aussi certaine, on retrouve cette même lâcheté du politique qui se veut plus concerné par sa propre réélection que par « l’intérêt national ». De quoi permettre à des dictatures de s’installer et de nous faire la guerre avec nos propres richesses. Un
comble ! Â
Malheur Ă qui apporte les mauvaises nouvelles !Â
Concernant l’Afghanistan : d’un cĂ´tĂ©, il faut saluer la prouesse des militaires amĂ©ricains qui ont Ă©vacuĂ© en 18 jours par voie aĂ©rienne près de 120.000 personnes, hommes, femmes et enfants depuis l’aĂ©roport de Bagram, grâce Ă un pont aĂ©rien sans prĂ©cĂ©dent dans l’histoire et dans des conditions Ă©pouvantables. De l’autre, on ne peut que blâmer les politiques amĂ©ricains qui ont nĂ©gociĂ© seuls, sans leurs alliĂ©s, avec les Talibans ce dĂ©part dans la honte et dans le dĂ©shonneur. Voir, aux États-Unis, 100 gĂ©nĂ©raux rĂ©clamer la dĂ©mission du ministre de la DĂ©fense n’est pas chose courante ! Leur texte vaut le dĂ©tour…Â
Deuxième sujet, cette guerre de la drogue, un fléau qui gangrène la France depuis près de 20 ans et à Marseille depuis trop longtemps. Le président Macron – qui donne l’impression d’être toujours en campagne électorale – s’est invité trois jours à Marseille. Mais qui, sérieusement, qui peut ou veut croire un seul instant que cette guerre pourra
ĂŞtre gagnĂ©e sans une vĂ©ritable volontĂ© politique ? C’est cela qui a toujours manquĂ© depuis 20 ans. Quels que puissent ĂŞtre les moyens en homme et en matĂ©riel, il ne faut s’attendre, dans la durĂ©e, Ă aucun retournement de situation sans une volontĂ© politique affichĂ©e avec des lois adaptĂ©es puis exĂ©cutĂ©es quand elles ont Ă©tĂ© votĂ©es. Â
Troisième sujet, les attentats de Paris. Le moins que l’on puisse dire est que le pouvoir politique, là encore, a failli à sa mission. L’attentat contre Charlie Hebdo avait pourtant
rĂ©vĂ©lĂ© les faiblesses – plus que les failles – des formes d’engament imposĂ©es Ă nos forces de l’ordre face Ă certaines menaces les rendant parfois inopĂ©rantes. Â
Quand la peur va-t-elle enfin changer de camp ?Â
On l’a vu : les militaires sur place (Mission Sentinelle) n’avaient pas le droit d’utiliser leurs armes. Les deux policiers arrivĂ©s par hasard sur place ont utilisĂ© leur arme de service en violation flagrante du règlement. Heureusement, ils l’ont fait. C’est ainsi qu’à 25 mètres de distance, ces deux policiers, tireurs d’élite, avec une arme de poing ont rĂ©ussi Ă empĂŞcher un de ces terroristes d’exĂ©cuter, de sang-froid, d’une balle dans la tĂŞte une innocente victime avec une Kalasnikov – une arme de guerre automatique.Â
Où sont-ils, dans le banc des accusés, ceux qui ont décidé de telles règles d’engagement ? Qui permettent à des gens d’écraser des gendarmes et que l’on ne peut atteindre de peur de les blesser dans le dos ? Où sont-ils ceux qui, au fil des années, ont favorisé avec autant de lâcheté que d’incompétence la protection des
bourreaux plutĂ´t qu’à celle de leurs victimes ?Â
Il n’est pas interdit d’espérer au cours de ces six longs mois que va durer ce procès que
ceux qui sont « toujours responsables mais jamais coupables » soient enfin questionnĂ©s par les familles des victimes. Â
Un exemple : j’ai appris le 13 novembre 2015 au soir que le GIGN et la brigade des
sapeurs-pompiers de Paris avaient passĂ© toute la journĂ©e dans le 11e arrondissement de Paris Ă faire un exercice d’entraĂ®nement dont le thème Ă©tait une prise d’otages par un commando terroriste. Lorsqu’une des ambulances qui avait servi Ă Ă©vacuer des faux blessĂ©s est arrivĂ©e devant le Bataclan, pensant participer Ă la fin de l’exercice, ses ambulanciers ont dĂ» se rendre Ă l’évidence : c’était tout sauf « un exercice », comme ils l’ont dit sur leur radio en donnant l’alerte. Â
Que s’est-il passĂ© ? Pourquoi la police a Ă©tĂ© aussi longue Ă arriver et « a perdu une heure » ? Parce la prĂ©fecture de Police a estimĂ© que les Gendarmes du GIGN devaient rester consignĂ©s Ă la caserne toute proche, au Quartier des CĂ©lestins. Paris Ă©tait « rĂ©servĂ© Ă la Police » ! Il y a des chasses gardĂ©es… Seule la BBC a posĂ© quelques questions de bon sens que les mĂ©dia se sont bien gardĂ© d’évoquer. Elles Ă©taient pourtant pertinentes. France 2 a Ă©tĂ© la seule chaĂ®ne de tĂ©lĂ©vision Ă diffuser cette Ă©mission de la BBC, en version française. Â
Responsables mais jamais coupablesÂ
Il n’y a pas que les faux-aveugles comparés à des adeptes de Bisounours, ceux qui ne
veulent pas voir. Il y a aussi les « militants », ceux qui refusent de voir. Â
A gauche ils se reconnaĂ®tront. MĂŞme si certains d’entre eux, comme Manuel Vals, ont su faire preuve de courage et de luciditĂ©. Chacun sait qu’ils sont loin d’avoir Ă©tĂ© suivis et qu’ils ont mĂŞme essuyĂ© de vives critiques dans leur propre camp. Il y a des gens qui refusent de voir les rĂ©alitĂ©s en face au nom d’une idĂ©ologie mortifère. Pourquoi le cacher ?Â
Comment oublier, par exemple, que la priorité de François Hollande le jour de son
installation Ă l’ÉlysĂ©e a Ă©tĂ© de suivre, heure par heure, le dĂ©part de son bureau du prĂ©fet Bernard Squarcini, directeur gĂ©nĂ©ral de la SĂ©curitĂ© intĂ©rieure ? Un homme longtemps considĂ©rĂ© comme l’un des « meilleurs flics de France ». Il l’avait prouvĂ© comme prĂ©fet de police de Marseille avant de faire la rĂ©forme du renseignement. Son crime Ă©tait d’avoir Ă©tĂ© choisi par Nicolas Sarkozy pour rĂ©organiser nos services de renseignement intĂ©rieur et de contre-espionnage, la DST et les RG, pour les adapter – enfin – Ă la lutte contre le terrorisme islamiste. L’objectif dĂ©clarĂ© Ă©tant que « la peur change de camp ». Â
S’il y a une réforme qui a permis de devenir efficace face au terrorisme islamique,
c’est bien celle-lĂ . Une façon de prĂ©voir le pire et d’organiser les services de l’État pour « faire face ». Â
Ce qui m’avait frappé à l’époque, c’est que c’était bien la première fois qu’on faisait une réforme de cette importance « à froid », autrement dit, « pas dans l’urgence » en donnant comme trop souvent la priorité aux sentiments du moment et non à la raison et au bon sens qui devraient toujours l’emporter en pareil cas. Une vraie réforme comme il en faudrait tant d’autres !
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Revenons aujourd’hui avec le préfet Squarcini sur cette réforme du Renseignement qui
marquera en France un tournant sĂ©curitaire dans notre pays, une rĂ©forme qui sera amplement validĂ©e par les faits.  Â
Nous parlerons Ă©galement « Intelligence Ă©conomique » avec le professeur Christian Tafani, un universitaire expert des questions de dĂ©fense et de sĂ©curitĂ© qui a fait partie de la « Commission Martre ». L’objectif avouĂ© de cette commission, en 1994, Ă©tait de prendre en compte les « facteurs immatĂ©riels de la compĂ©titivitĂ© ».Â
La fin de la guerre froide, l’émergence de nouvelles puissances économiques, le
processus de mondialisation des Ă©changes et la rĂ©volution des nouvelles technologies induisant un dĂ©placement des logiques de puissance, historiquement dans le champ militaire, vers la sphère Ă©conomique, il Ă©tait temps de rĂ©agir et de proposer une politique qui nous permette de nous adapter au monde tel qu’il Ă©tait.Â
Bernard Squarcini et Christian Tafani sont corses tous les deux mais pas du mĂŞme
village… Le regard croisĂ© qu’ils portent sur ces sujets est passionnant. Et il permet de mieux comprendre comment de telles catastrophes annoncĂ©es puissent se dĂ©rouler Ă la surprise de ceux qui ont pour charge de gouverner, de prĂ©voir et de dĂ©cider, et non de faire de la communication pour satisfaire les uns un jour et faire le contraire le lendemain au point de perdre toute crĂ©dibilitĂ© et de ruiner la confiance sans laquelle aucun pays ne peut faire nation lors des heures sombres.Â
JoĂ«l-François Dumont Â