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    Il n'est décidément pire aveugle que celui qui ne veut pas voir

    frSeptember 13, 2021
    What was the main topic of the podcast episode?
    Summarise the key points discussed in the episode?
    Were there any notable quotes or insights from the speakers?
    Which popular books were mentioned in this episode?
    Were there any points particularly controversial or thought-provoking discussed in the episode?
    Were any current events or trending topics addressed in the episode?

    About this Episode

    Trois événements récents sont appelés à marquer durablement les esprits. Le désastre afghan, la guerre de la drogue dans les quartiers Nord de Marseille et dans d’autres villes françaises, l’ouverture – enfin – la semaine dernière du procès des terroristes qui ont semé la mort au Bataclan le 13 novembre 2015. Un procès qui devrait durer six
    mois pour juger Salah Abdeslam et ses complices. 


    Très prochainement, la Voix du Béarn traitera au fond avec des experts chacun de ces trois sujets. Auparavant, nous souhaitions rediffuser cette émission que nous avons diffusée le 21 avril 2020, en plein confinement. Pour des raisons simples qui permettent d’éclairer des sujets aussi graves. 


    A priori, entre eux, le premier lien semble être l’islamisme radical qui s’alimente par la drogue. Mais ne faut-il pas aussi se poser deux questions : comment en sommes-nous arrivés là et n’aurions-nous pas pu nous épargner ces trois désastres qui n’auraient dû
    surprendre personne, en tout cas, pas eux qui nous gouvernent ?  


    En fait, il y a un deuxième lien à opérer, c’est de constater des deux côtés de l’Atlantique une même faillite du politique qui ne tient pas compte des alertes qui lui sont données. Les politiques restent « dans le temps court ». 


    Les gouvernements français ne peuvent pas dire, par exemple, qu’ils n’avaient pas été prévenus par leurs services des guerres de 1870, de 1914 ou encore de 1940 ! Celle de 1914, aurait pu éclater à tout moment à partir de 1895… En 1905 elle était « imminente ». Et entre 1933 et 1936, ils faisaient quoi nos gouvernements ? Après la « Der des Der », les « années folles », certes il y a eu « les congés payés » en attendant la « drôle de guerre ». Et on a eu Munich, une nouvelle Guerre Mondiale, l'humiliation de l'occupation et une Europe dévastée.


    L’insouciance ne s’improvise pas  


    Comme l’a écrit Honoré de Balzac dans ses pensées : “L'insouciance est l'art de se balancer dans la vie comme sur une escarpolette, sans s'inquiéter du moment où la corde cassera”…
     

    Au-delà d’une certaine insouciance pour le temps long conjuguée à une incompétence tout aussi certaine, on retrouve cette même lâcheté du politique qui se veut plus concerné par sa propre réélection que par « l’intérêt national ». De quoi permettre à des dictatures de s’installer et de nous faire la guerre avec nos propres richesses. Un
    comble !  


    Malheur à qui apporte les mauvaises nouvelles ! 


    Concernant l’Afghanistan : d’un côté, il faut saluer la prouesse des militaires américains qui ont évacué en 18 jours par voie aérienne près de 120.000 personnes, hommes, femmes et enfants depuis l’aéroport de Bagram, grâce à un pont aérien sans précédent dans l’histoire et dans des conditions épouvantables. De l’autre, on ne peut que blâmer les politiques américains qui ont négocié seuls, sans leurs alliés, avec les Talibans ce départ dans la honte et dans le déshonneur. Voir, aux États-Unis, 100 généraux réclamer la démission du ministre de la Défense n’est pas chose courante ! Leur texte vaut le détour… 


    Deuxième sujet, cette guerre de la drogue, un fléau qui gangrène la France depuis près de 20 ans et à Marseille depuis trop longtemps. Le président Macron – qui donne l’impression d’être toujours en campagne électorale – s’est invité trois jours à Marseille. Mais qui, sérieusement, qui peut ou veut croire un seul instant que cette guerre pourra
    être gagnée sans une véritable volonté politique ? C’est cela qui a toujours manqué depuis 20 ans. Quels que puissent être les moyens en homme et en matériel, il ne faut s’attendre, dans la durée, à aucun retournement de situation sans une volonté politique affichée avec des lois adaptées puis exécutées quand elles ont été votées.  


    Troisième sujet, les attentats de Paris. Le moins que l’on puisse dire est que le pouvoir politique, là encore, a failli à sa mission. L’attentat contre Charlie Hebdo avait pourtant
    révélé les faiblesses – plus que les failles – des formes d’engament imposées à nos forces de l’ordre face à certaines menaces les rendant parfois inopérantes.  


    Quand la peur va-t-elle enfin changer de camp ? 


    On l’a vu : les militaires sur place (Mission Sentinelle) n’avaient pas le droit d’utiliser leurs armes. Les deux policiers arrivés par hasard sur place ont utilisé leur arme de service en violation flagrante du règlement. Heureusement, ils l’ont fait. C’est ainsi qu’à 25 mètres de distance, ces deux policiers, tireurs d’élite, avec une arme de poing ont réussi à empêcher un de ces terroristes d’exécuter, de sang-froid, d’une balle dans la tête une innocente victime avec une Kalasnikov – une arme de guerre automatique. 


    Où sont-ils, dans le banc des accusés, ceux qui ont décidé de telles règles d’engagement ? Qui permettent à des gens d’écraser des gendarmes et que l’on ne peut atteindre de peur de les blesser dans le dos ? Où sont-ils ceux qui, au fil des années, ont favorisé avec autant de lâcheté que d’incompétence la protection des
    bourreaux plutôt qu’à celle de leurs victimes ? 


    Il n’est pas interdit d’espérer au cours de ces six longs mois que va durer ce procès que
    ceux qui sont « toujours responsables mais jamais coupables » soient enfin questionnés par les familles des victimes.  


    Un exemple : j’ai appris le 13 novembre 2015 au soir que le GIGN et la brigade des
    sapeurs-pompiers de Paris avaient passé toute la journée dans le 11e arrondissement de Paris à faire un exercice d’entraînement dont le thème était une prise d’otages par un commando terroriste. Lorsqu’une des ambulances qui avait servi à évacuer des faux blessés est arrivée devant le Bataclan, pensant participer à la fin de l’exercice, ses ambulanciers ont dû se rendre à l’évidence : c’était tout sauf « un exercice », comme ils l’ont dit sur leur radio en donnant l’alerte.  


    Que s’est-il passé ? Pourquoi la police a été aussi longue à arriver et « a perdu une heure » ? Parce la préfecture de Police a estimé que les Gendarmes du GIGN devaient rester consignés à la caserne toute proche, au Quartier des Célestins. Paris était « réservé à la Police » ! Il y a des chasses gardées… Seule la BBC a posé quelques questions de bon sens que les média se sont bien gardé d’évoquer. Elles étaient pourtant pertinentes. France 2 a été la seule chaîne de télévision à diffuser cette émission de la BBC, en version française.  


    Responsables mais jamais coupables 


    Il n’y a pas que les faux-aveugles comparés à des adeptes de Bisounours, ceux qui ne
    veulent pas voir. Il y a aussi les « militants », ceux qui refusent de voir.  


    A gauche ils se reconnaîtront. Même si certains d’entre eux, comme Manuel Vals, ont su faire preuve de courage et de lucidité. Chacun sait qu’ils sont loin d’avoir été suivis et qu’ils ont même essuyé de vives critiques dans leur propre camp. Il y a des gens qui refusent de voir les réalités en face au nom d’une idéologie mortifère. Pourquoi le cacher ? 


    Comment oublier, par exemple, que la priorité de François Hollande le jour de son
    installation à l’Élysée a été de suivre, heure par heure, le départ de son bureau du préfet Bernard Squarcini, directeur général de la Sécurité intérieure ? Un homme longtemps considéré comme l’un des « meilleurs flics de France ». Il l’avait prouvé comme préfet de police de Marseille avant de faire la réforme du renseignement. Son crime était d’avoir été choisi par Nicolas Sarkozy pour réorganiser nos services de renseignement intérieur et de contre-espionnage, la DST et les RG, pour les adapter – enfin – à la lutte contre le terrorisme islamiste. L’objectif déclaré étant que « la peur change de camp ».  


    S’il y a une réforme qui a permis de devenir efficace face au terrorisme islamique,
    c’est bien celle-là. Une façon de prévoir le pire et d’organiser les services de l’État pour « faire face ».  


    Ce qui m’avait frappé à l’époque, c’est que c’était bien la première fois qu’on faisait une réforme de cette importance « à froid », autrement dit, « pas dans l’urgence » en donnant comme trop souvent la priorité aux sentiments du moment et non à la raison et au bon sens qui devraient toujours l’emporter en pareil cas. Une vraie réforme comme il en faudrait tant d’autres !
     

    Revenons aujourd’hui avec le préfet Squarcini sur cette réforme du Renseignement qui
    marquera en France un tournant sécuritaire dans notre pays, une réforme qui sera amplement validée par les faits.   


    Nous parlerons également « Intelligence économique » avec le professeur Christian Tafani, un universitaire expert des questions de défense et de sécurité qui a fait partie de la « Commission Martre ». L’objectif avoué de cette commission, en 1994, était de prendre en compte les « facteurs immatériels de la compétitivité ». 


    La fin de la guerre froide, l’émergence de nouvelles puissances économiques, le
    processus de mondialisation des échanges et la révolution des nouvelles technologies induisant un déplacement des logiques de puissance, historiquement dans le champ militaire, vers la sphère économique, il était temps de réagir et de proposer une politique qui nous permette de nous adapter au monde tel qu’il était. 


    Bernard Squarcini et Christian Tafani sont corses tous les deux mais pas du même
    village… Le regard croisé qu’ils portent sur ces sujets est passionnant. Et il permet de mieux comprendre comment de telles catastrophes annoncées puissent se dérouler à la surprise de ceux qui ont pour charge de gouverner, de prévoir et de décider, et non de faire de la communication pour satisfaire les uns un jour et faire le contraire le lendemain au point de perdre toute crédibilité et de ruiner la confiance sans laquelle aucun pays ne peut faire nation lors des heures sombres. 


    Joël-François Dumont  

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    Guerre économique : Et si l’on retournait sur les bancs de l’école ?

    Guerre économique : Et si l’on retournait sur les bancs de l’école ?

    L’Europe vient donc de découvrir avec effroi qu’elle était en guerre, chose que depuis 30 ans les Européens n’ont jamais accepté de prendre vraiment en considération. L’invasion russe en Ukraine montre que la vigilance doit toujours rester de mise, qu’un pays ne doit jamais baisser la garde, de peur de se retrouver démuni ou mal préparé en
    première ligne, face à des envahisseurs qui partent la fleur au canon en étant informés par leur hiérarchie qu’ils devront se débrouiller pour ce qui concerne le ravitaillement en vivres au-delà de 3 jours…  

    « Payez-vous sur la bête »  

    On l’a vu à Marioupol, une ville russophone d’Ukraine qui s’est défendue bec et ongles avec des moyens dérisoires face à des hordes blindées qui s’emploient à raser la ville, à massacrer des civils qui n’acceptent pas de se soumettre et dont le libre choix se limite à la déportation en Sibérie après avoir été délestés de leurs papiers et de tous
    leurs biens sans doute pour y être « rééduqués » dans des camps de sinistre mémoire. Sans oublier des exactions d’un autre âge, indignes d’une armée moderne.  

    Les experts n’écartent « aucune éventualité » …. « Toutes les options sont sur la table ».

    Seul côté positif, les Européens de l'Ouest découvrent le courage et une solidarité exprimés par les populations d'Europe centrale et orientale : Une occasion, en tout cas, pour certains d’entre nous de découvrir en Europe des pays exemplaires : la République tchèque, la Pologne, les pays Baltes, la Slovaquie, la Roumanie et la Moldavie. On est plus près du chiffre de dix millions de réfugiés que de deux ou trois. Des femmes, des enfants et des personnes âgées ont été forcées à l’exil pour laisser les hommes valides se consacrer à défendre leur pays. En trois semaines, l’Ukraine s’est déjà vidée du quart de sa population.  

    Dès la première heure, les Tchèques, les Polonais et les Baltes ont immédiatement
    mobilisé tous leurs moyens. Publics et privés. Eux sont en première ligne. L’URSS
    de Staline ou la Russie de Poutine, pas besoin de leur expliquer : ils ne se bercent d’aucune illusion ! 

    Quand on est dans l’urgence, le temps n’est plus aux joutes oratoires ou aux questionnements. Le temps est à l’action. C’est en amont qu’une guerre se prépare. Qu’elle soit militaire ou économique. Il faut se préparer à une guerre économique de haute intensité dans la durée et sur le plan militaire prévoir le pire. 

    Comment ne pas se souvenir des velléités d’indépendance affirmées tous azimuts, haut et fort, par le général de Gaulle ou encore de la lucidité exprimée par François  Mitterrand dans un entretien pour un livre avec son ami Georges-Marc Benhamou : « La France ne le sait pas, mais nous sommes en guerre avec l’Amérique. Oui, une guerre permanente, une guerre vitale, une guerre économique, une guerre sans mort apparemment. Oui, ils sont très durs les Américains, ils sont voraces, ils veulent un pouvoir sans partage sur le monde. C’est une guerre inconnue, une guerre permanente, sans mort apparemment et pourtant une guerre à mort. » 

    Gemplus, l’affaire Alstom, et tant d’autres sont des épisodes de cette guerre économique au quotidien entre Alliés. Avec les Russes ou les Chinois, ce sera une autre paire de manche. 

    Dans cette émission diffusée par la Voix du Béarn, Guillaume Anjou décrit un cas d’espèce pour une école qui gagne à être connue : l’école de guerre économique… Fondée en 1997 par Christian Harbulot, cet établissement supérieur forme des spécialistes en Intelligence économique et au renseignement économique, qu’il soit défensif ou même offensif. « La guerre de l’information par le contenu » nous dit Guillaume Anjou « est un genre de guerre aussi vieux que la guerre elle-même. Cependant la croissance exponentielle et la dimension mondiale de la diffusion de l’information ces dernières années ont constitué un environnement favorable au développement de la guerre informationnelle dans le monde économique, politique ou sociétal. Depuis 2016, l’industriel français Naval Group est sous le feu de cette guerre informationnelle en Australie ». « Le contrat du siècle » d'une valeur de 35 milliards d'euros : 12 sous-marins à propulsion diesel-électrique se révèlera être un fiasco. 

    L'agression russe en Ukraine montre bien que le monde libre doit se mobiliser pour se préparer en 2022 à vivre une guerre économique de haute intensité ... 

    Comment ne pas se souvenir des velléités d’indépendance affirmées tous azimuts haut et fort par le général de Gaulle ou encore de la lucidité exprimée par François Mitterrand dans un entretien pour un livre avec son ami Georges-Marc Benhamou : « La France ne le sait pas, mais nous sommes en guerre avec l’Amérique. Oui, une guerre permanente, une guerre vitale, une guerre économique, une guerre sans mort apparemment. Oui, ils sont très durs les Américains, ils sont voraces, ils veulent un pouvoir sans partage sur le monde. C’est une guerre inconnue, une guerre permanente, sans mort apparemment et pourtant une guerre à mort. » 

    Pour parler de cette guerre économique de l’ombre, une guerre sournoise, nous allons entendre des spécialistes du renseignement économique qui ont été au cœur de la riposte française. Comme Christian Harbulot et Christian Tafani, deux universitaires qui ont participé en 1994 à la rédaction du rapport Martre. Christian Tafani qui mesure le chemin parcouru en 25 ans et parle d’une « prise de conscience d’un patriotisme recouvré ». Acceptons-en l’augure ! 

    Nous entendrons deux témoignages d’étudiants de l’EGE. 

    Guillaume Brechler qui exerce des responsabilités dans une grande entreprise où il est chargé de l’étude des risques, de la cybersécurité et de l’intelligence économique. Ses spécialités, la veille et l’analyse des sources ouvertes. A la recherche de ces signaux faibles qui peuvent se révéler si importants.  

    Steven Deffous, Coordinateur du club OSINT & Veille del ’École de Guerre Économique, travaille lui au sein d’une équipe de spécialistes de l’aviation et de l’armement russes. Autour de Xavier Tytelman un ancien de l’armée de l’Air, ils réalisent des vidéos dignes d’un état-major qui analysent d’une manière remarquable l’avancée ou le recul des troupes russes en suivant les opérations, et ce uniquement à partir de sources ouvertes y compris d’images satellite d’une précision sur le terrain qui est tout simplement bluffante.   

    Au cours de ce rendez-vous avec le monde de l’Intelligence économique, on évoquera aussi le rôle du général Pichot-Duclos, du général François Mermet qui vont ouvrir la vioie et d’Alain Juillet qui va se révéler être le bras armé de l’état stratège en matière de défense économique.  

    Joël-François Dumont  

    « L’Europe des patries » : le grand dessein de Charles de Gaulle

    « L’Europe des patries » : le grand dessein de Charles de Gaulle

    Aujourd’hui à peu près tout le monde aime citer ou même se réclamer en politique du général de Gaulle. C’est de bon ton pour se donner à la fois une once de respectabilité et pour rechercher une adhésion facile. Curieusement, les plus nombreux à s’en réclamer se trouvent souvent parmi ceux qui ont succédé à ses plus farouches adversaires, au centre, à gauche, mais aussi à droite de l’échiquier politique, notamment ceux qui militent ouvertement pour une VIe République en appelant de leurs vœux le retour au « régime des partis ». Il y en a même qui n’hésitent pas dire
    qu’ils « savent ce que le général aurait fait » dans tel ou tel cas… Comme me le disait un jour son fils, l’amiral Philippe de Gaulle : « S’il est très difficile de prédire ce que le général de Gaulle aurait fait dans telle ou telle circonstance, par contre, on peut, sans se tromper, être certain de ce qu’il n’aurait pas fait ». 

    De 1958 à 1969, le général de Gaulle a redressé le pays, l’a doté d’institutions solides pour qu’elles soient après lui à l’épreuve du temps. De son œuvre de rénovation nationale, on retiendra en particulier qu’il a mis un terme à la guerre d’Algérie, transformé son armée de gros bataillons pour créer une force de dissuasion nucléaire crédible. Il a redressé l’économie, rétabli sa monnaie et lancé des grands projets pour moderniser et réindustrialiser le pays dont il transformera l’agriculture sans oublier sa langue et sa culture, prévoyant même de prendre une part à la grande aventure spatiale. Les hommes qui l’entouraient étaient pour la plupart issus de la guerre et de la Résistance.
    De Gaulle a rendu leur fierté à nos concitoyens, au premier rang desquels les soldats
    de cette « armée » qui l’a fidèlement soutenu, fiers de partager « une certaine idée de la France ». Une France qui, en dix ans, a su renouer avec les heures glorieuses de son passé.  

    C’était l’époque des bâtisseurs !
    Nombre de Français aimeraient aujourd’hui « changer l’image » de notre pays devenu le mauvais élève de la classe européenne, un modèle d’endettement. Beaucoup de jeunes en particulier – c’est réconfortant –, rêvent de « renouer » avec cette époque de
    notre histoire contemporaine, lassés qu’ils sont de vivre au jour le jour une déconstruction permanente et d’assister impuissants au rabaissement de l’image
    de la France dans le monde. 

    Entendre une voix comme celle du général de Gaulle est alors une occasion de se rappeler que cette époque n’est pas si lointaine…  

    Dans l’émission que la Voix du Béarn diffuse aujourd’hui, nous allons entendre de nouveau cette voix. Avec un premier extrait de son allocution, le 22 janvier 1963, lorsque le général s’est adressé à la Nation après avoir signé avec le Chancelier Konrad Adenauer le « Traité d’amitié et de coopération » plus connu sous le nom de « Traité de
    l’Élysée ».[1] Et puis un deuxième extrait, en allemand, c’est le « discours à la jeunesse allemande », prononcé le 9 septembre 1962 dans la cour du château de Ludwibsburg (Bade-Wurtemberg) devant plus de 300.000 personnes. 

    Ce traité scellant la réconciliation constitue « un acte fondateur » qui restera un modèle et ne l’oublions pas, une grande réussite qui honore la diplomatie française. D’où l’idée, aujourd’hui, de rendre hommage à un de nos diplomates pour qui ce traité est resté, sa vie durant, un objet de fierté, même si celui-ci a été amputé plus tard par « un préambule » imposé par Washington lors de sa ratification au Bundestag, le vidant en grande partie de sa substance. Il s’agit de Pierre Maillard. 

    Mon ami Michel Anfrol qui avait suivi pour l’ORTF les voyages officiels du général de Gaulle, me l’avait présenté lors d’un dîner-débat organisé au siège de l’Association des Français libres – 59, rue Vergniaud dans le 13ème à Paris. Un homme exceptionnel avec
    lequel il travaillait à la Fondation Charles de Gaulle. Le général avait choisi en 1959 ce jeune diplomate, agrégé d’allemand, pour en faire son conseiller diplomatique, fonctions qu’il a exercées jusqu’en 1964 avant de devenir Secrétaire général de la défense nationale (SGDN).  

    A l’actif de ce conseiller diplomatique, notamment, la préparation côté français de ce traité, et avoir été le « professeur » d’allemand du général en traduisant le texte de son
    intervention à Ludwigsburg et s’assurer de son accent. 

    Qui mieux que Pierre Maillard qui fut un de ses proches collaborateurs à l’Élysée, pouvait évoquer la vision européenne du général de Gaulle ?  

    L’ambassadeur Maillard nous a quitté en 2018 – à 102 ans – je vous propose de l’écouter. Il m’avait invité en 2010 chez lui à Boulogne-Billancourt pour parler également de ce traité et de la « vision de l’Allemagne » du général de Gaulle. Des extraits de cet enregistrement avaient été diffusés dans l’excellente revue Défense [1]. Entendre sa voix est une occasion de revenir sur la vision européenne du général. Il détaille les structures de cette Europe, ses contours, mais aussi sa vocation. « Une aire de civilisation, de démocratie.» Une page d’histoire qu’avec jean-Michel Poulot, nous souhaitions partager. 

    Joël-François Dumont 

    [1] Voir : La relation franco-allemande à l’épreuve du temps et France-Allemagne
    : le grand dessein
    » in Numéro 144 de Défense, daté de Mars-avril 2010.  

    [2] Revue bimestrielle des Auditeurs de l’Institut des Hautes Études de Défense Nationale.  

    La CDU tourne la page Merkel

    La CDU tourne la page Merkel

    Angela Merkel, il y a encore quelques semaines, récoltait 80% d’opinions favorables. Comment expliquer que son parti, la CDU, lors de son 34e congrès, le 22 janvier 2022, ait élu avec 95% des suffrages Friedrich Merz, celui qu’elle désignait depuis 2005
    comme son « ennemi intime » ?  

    En quelques heures, samedi, tout ce qui pouvait rappeler l’ère Merkel a été gommé. La presse, unanime, parle de « rupture avec l’ère Merkel ». La Frankfurter Allgemeine Zeitung constate que « l’ensemble du bureau fédéral a été rénové ». Il est urgent de « rénover le parti et de réparer la relation avec la CSU. »
    Le parti est tellement « laminé » comme l’écrit la Berliner Zeitung que c’est peut-être là « que réside sa chance, les choses ne pouvant qu’évoluer dans le bon sens ». Pour le Handelsblatt, « Merz est la dernière cartouche ». Un homme que la Tageszeitung situe
    « aux antipodes d’Angela Merkel », ce que confirme la Süddeutsche Zeitung qui précise que la « rupture avec l’ère Merkel est nette ». On comprend aisément pourquoi Angela Merkel a refusé de devenir présidente d’honneur de ce parti qu’elle a dirigé pendant 18 ans. Dans ce désastre électoral, sa responsabilité est immense. Die Welt y voit « une rupture consommée ». Il était « logique », dans de telles circonstances, qu’elle s’isole d’un parti dans lequel elle aurait pu s’investir « un minimum syndical » au cours de ces 18 années ! Ce 34e Congrès de la CDU, un 22 janvier, fera date dans l’histoire d’un des grands partis fondateurs de la République fédérale d’Allemagne. 

    La Voix du Béarn dans sa série d’émissions hebdomadaire produite par Jean-Michel Poulot, « les Français parlent aux Français du bout du monde », a demandé à Joël-François Dumont, son correspondant à Berlin, de dresser un bilan de l’action d’Angela Merkel qui, pendant 16 années, aura été chancelière fédérale d’Allemagne.  

    La CDU tourne la page Merkel  

    Maximilian Joseph de Montgelas : un Savoyard père de la Bavière moderne

    Maximilian Joseph de Montgelas : un Savoyard père de la Bavière moderne

    « Dans la tradition, typiquement savoyarde, du service étranger où les originaires du Duché s’élèveront souvent aux plus hautes fonctions militaires et civiles, aucune lignée n’a brillé d’un plus vif éclat que celle des Garnerin de Montgelas. Maximilien Joseph de Montgelas est, Outre-Rhin, une gloire nationale, considéré comme « le père de la Bavière moderne ». Mais aucune famille non plus n’est aussi peu connue chez nous. Elle n’a droit qu’à une ligne dans le Dictionnaire de Grillet et la notice de l’Armorial de Savoie est tout aussi succincte pour la branche allemande. »[1] 

    Si l’on demandait à nos compatriotes, même germanistes, de citer un Français qui a joué un rôle aussi éminent pour ne pas dire exceptionnel en Allemagne, on a plus de chance d’entendre prononcer le nom de Voltaire que celui du Comte Maximilien Joseph de Montgelas (1759-1838). Un homme de pensée dans l’action qui s’est révélé, avec Bismarck plus tard en Prusse, être un des plus grands hommes politiques de l’Allemagne du XIXe siècle. On n’a bien peu de chances aujourd’hui de retrouver de telles exceptions, « caractéristique de familles qui ont constitué la vieille Europe ». 

    La relation entre la Bavière et la France ne se conjugue pas qu’au seul passé. L’avenir est porteur d’espérance. « Avec ses 13 millions d’habitants, son économie à vocation internationale et son produit intérieur brut (PIB) de 630 milliards d’euros, l’État libre de Bavière est une région forte au cœur de l’Europe.»[2] 

    Comme le rappelle le Dr. Florian Herrmann, chef de la Chancellerie de l’État de Bavière, ministre délégué auprès du Ministre-Président Markus Söder, chargé des affaires fédérales et des média, « La France et la Bavière sont liées de longue date par un partenariat étroit et solide. En Bavière, nous sommes conscients que la France a exercé une influence significative sur le développement de notre région : lorsque le royaume de Bavière fut porté sur les fonts baptismaux en 1806, ce fut avec le soutien de l’empereur Napoléon Ier. Et c’est le Comte de Montgelas, lui-même d’origine française, qui jea les bases de l’ordre politique et administratif de la Bavière en prenant en compte les réformes du Premier Empire français. Des orientations importantes dont l’impact se ressent encore aujourd’hui.» 

    Pour construire cet avenir ensemble, mieux vaut donc, ensemble, affronter le passé, ses solutions comme ses erreurs.  

    Il y a au moins deux de nos contemporains pour tenir Maximilien de Montgelas en très haute estime. Tous deux ont en commun d’être férus d’histoire et sont délégués régionaux du Souvenir français en Allemagne.[3] Le Souvenir français est, rappelons-le, la plus vieille association patriotique française, créée en 1897, 17 ans après la cuisante
    défaite de Sedan et l’annexion de l’Alsace-Lorraine, résultat d’un antagonisme entre la Prusse et la France qui en un siècle sera dévastateur pour l’Europe. « Il y a eu Sedan parce qu’il y a eu Iéna » (Bismarck) 

    Pour évoquer ces pages de notre histoire contemporaine, trop souvent écrites avec le sang, nous citerons deux témoignages très riches :  

    A Berlin, celui du professeur Étienne François, agrégé d’histoire, qui a enseigné à la Sorbonne et pendant trente ans à la prestigieuse Université libre de Berlin (Freie Universität), « très impressionné par Montgelas » … « Un homme politique « éclairé » de la dernière année du XVIIIe siècle et du début du XIXe siècle : il est « aufgeklärt » à 100
    %, réformateur énergique, et tire par ailleurs profit de la République puis de Napoléon pour renforcer le pouvoir bavarois (Électorat puis monarchie à partir de 1806) et profiter au mieux des avantages de l’alliance avec la France (doublement des dimensions du royaume). 

    Il a certes accepté qu’un contingent de l’armée bavaroise participe à la campagne de Russie (d’où le monument aux morts de la campagne à Munich), mais s’est bien gardé de pousser trop loin l’alliance (non-participation à la bataille des nations de Leipzig, si je ne me trompe, ce qui veut dire fin de l’alliance avec la France à partir du moment où elle risque de devenir dangereuse et contreproductive). Je sais par ailleurs qu’il a repris pour la Bavière le statut de fonctionnaire mis en place par la France postrévolutionnaire. 

    Quant à sa politique envers l’Église catholique, elle ressemble elle aussi fort à un mélange de la politique de Joseph II d’Autriche, de la Révolution à ses débuts, et de Napoléon . Une exception : Oberammergau qui a réussi à subsister, alors que Montgelas avait décidé de supprimer toutes les cérémonies religieuses comparables.» 

    A Munich, citons Pierre M. Wolff, retraité de l’Education Nationale, ayant servi notamment à l’Institut Français et au Consulat Général de France à Munich, qui consacre une partie de son temps à célébrer la mémoire de ce « Savoyard d’exception symbole d’un transfert culturel franco-allemand réussi.» 

    A cet effet, il créa il y aura bientôt trente ans une association de droit allemand, également déclarée en France sous la forme juridique d’une association Loi 1910, la « Société Montgelas pour la promotion de la coopération franco-bavaroise »,[4] qui, au fil des ans, est devenue un trait d’union entre la Bavière et la France. Plus qu’un Land, un État qui, « jaloux de sa souveraineté, n’hésite pas à croiser le fer avec l’État fédéral »
    … « La Bavière n’est pas le plus grand des Länder, mais c’est le seul à disposer d’une histoire aussi longue et de traditions aussi fortement enracinées » … « La Bavière est aujourd’hui le plus centralisé des Länder allemands », constate Pierre Wolff, l’un des meilleurs connaisseurs français de la Bavière, co-animateur de la très active société Montgelas pour la promotion de la coopération franco-bavaroise, du nom du comte de Montgelas, ce ministre savoyard qui dota la Bavière d’institutions modernes au début du XIXe siècle, et qui fait qu’aujourd’hui la Bavière est, de tous les Länder, celui dont l’administration est sans doute la plus attentive à ce qui se passe en France et où l’opinion publique est la plus francophile du pays.»[5]  

    Maximilien Joseph de Montgelas  

    Issu d’une famille de la noblesse de robe de Savoie, les Garnerin, seigneurs de la Thuille, de Mondragon et de Montgelas, fiefs situés dans la région de Chambéry. L’aîné des fils, Maximilien Joseph, naît à Munich le 12 septembre 1759, étudie à Nancy, Strasbourg et Ingolstadt. Maximilien poursuivra sans relâche la tâche de son père, le général Janus de Montgelas, qui, entré au service des Wittelsbach, s’était illustré dans la guerre de Sept ans, avec le même objectif en tête : servir la cause de la Bavière, une Bavière alliée à la France. 

    A 20 ans il entre dans la fonction publique bavaroise. Son appartenance aux Illuminati, société secrète bavaroise qui soutient les propositions les plus anticléricales du siècle des Lumières le rend suspect. Il entre alors, comme son père, au service des Wittelsbach, et plus précisément de la branche comtale palatine des Deux-Ponts. Secrétaire privé, promu ministre, il prendra part au Congrès de Rastatt en 1798. Très lié à Napoléon, il sera le véritable artisan de la transformation de l’électorat de Bavière en un royaume que Napoléon va proclamer en 1806. 

    « Montgelas est armé. Il s’est entendu avec la France et a conclu un traité d’alliance secret. Les deux parties espèrent en tirer profit : la Bavière a besoin de protection contre les appétits annexionnistes des Habsbourg, Napoléon a besoin d’États allemands moyens renforcés pour affaiblir la Prusse et l’Autriche. En octobre 1805, les troupes françaises battent les formations autrichiennes sur le sol bavarois, et le 24 octobre 1805, Napoléon entre dans Munich sous les acclamations frénétiques de la population. En retour, les troupes bavaroises combattent en décembre aux côtés de Napoléon à Austerlitz, où la Russie et l’Autriche sont vaincues par la Grande Armée. En
    remerciement de l’aide apportée par les armes, l’électeur bavarois reçoit, en plus des possessions autrichiennes en Souabe, le droit de porter le titre de roi. Le 1er janvier 1806, Maximilien Ier Joseph proclame sa nouvelle dignité. La Bavière, jusqu’alors fief de l’Empire en tant qu’électorat, est désormais un État souverain de droit propre
    .» [6] 

    Quelques semaines après la victoire éclatante d’Austerlitz, le 2 décembre 1805, l’Empereur parie sur ce futur Royaume de Bavière pour devenir un rempart contre la toute-puissance des Habsbourg et contrebalancer le pouvoir de la Prusse et de l’Autriche qui depuis longtemps rêve d’annexer la Bavière. Il entend transformer une situation de paix trop fragile pour établir – dans la durée – une véritable paix. C’est ainsi que le 26 décembre 1805, un Traité de paix est signé entre la France et l’empereur germano-autrichien, François 1er. 

    Le 1er janvier 1806, Maximilien 1er de Bavière est proclamé roi de Bavière à Munich. Le royaume comprend, outre « l’électorat de Bavière », une grande partie de la Franconie, la Souabe et de nombreuses régions séculaires de la vieille Bavière avec, au Nord, le Palatinat sur la rive gauche du Rhin (Mayence, chef-lieu du Département du Mont Tonnerre). 

    Napoléon a atteint son objectif : réorganiser le Saint-Empire germanique pour le transformer en une Confédération du Rhin, basée sur des protectorats français. Une véritable provocation pour la Prusse qui donne un ultimatum à la France en la sommant d’évacuer les rives du Rhin. La Prusse se sent humiliée et rêve d’en découdre. 

    Vaincre est une chose, mais la victoire ne saurait être totale que si l’on sait retourner son adversaire déclaré d’hier pour en faire un véritable allié. La pire des fautes étant de l’humilier publiquement. 

    Si Napoléon après la bataille des Trois Empereurs à Austerlitz a su faire preuve de mansuétude envers l’Autriche et la Russie, il n’a pas pardonné à la Prusse et n’a pas mis longtemps à le lui faire savoir. 

    Le 1er janvier 1806, le royaume de Bavière est créé. Les troupes françaises sont positionnées sur la rive gauche du Rhin. En réaction, la Prusse – première armée d’Europe – ordonne leur évacuation. Devant le refus de Napoléon, les troupes commandées par le général de Hohenlohe, deux fois supérieures en nombre – l’armée prussienne est la plus importante armée d’Europe – soutenues par des troupes russes, va déclarer la guerre à la France. 

    Napoléon, en fin stratège, a étudié personnellement le terrain et minutieusement préparé son dispositif. Il va ainsi remporter en une guerre éclair deux batailles décisives à Iéna et à Auerstedt en Thuringe. La Prusse déjà humiliée est maintenant vaincue sur son terrain. Napoléon défile à Berlin. La Prusse n’aura qu’une seule idée, se venger. Elle essaiera à plusieurs reprises mais n’y arrivera qu’en 1870 en profitant de la désorganisation et de l’affaiblissement de la France. Elle savourera alors sa revanche à Sedan. Comme le dira Bismarck : « il y a eu Sedan parce qu’il y a eu Iéna et Auerstedt.» Cette revanche ira même jusqu’à la création et la proclamation de l’Empire d’Allemagne sous la bannière de la Prusse dans la prestigieuse galerie des glaces du château de Versailles. De même, en 1940, les troupes d’Hitler écraseront Sedan pour rappeler qu’on n’humilie pas la Prusse impunément ! 

    Montgelas jette les bases de l’ordre politique et administratif de la Bavière 

    Entre l806 et 1918, le Royaume de Bavière va se renforcer. Maximilien de Montgelas est nommé Premier ministre. Fidèle aux idées des Lumières, il instaure une politique de laïcisation et de centralisation administrative. On lui doit la modernisation de l’Administration bavaroise qui va s’imposer en Allemagne comme un modèle. Il est aussi un précurseur dans le domaine économique et social : c’est ainsi qu’il élabore un plan directeur ambitieux pour la modernisation de la Bavière, « le mémoire d’Ansbach » redécouvert dans les années 1960. La noblesse et le clergé sont désormais soumis à l’impôt, de quoi révolutionner l’époque. 

    En 1808, Montgelas donne à la Bavière sa première constitution moderne : il abolit les reliques du servage, puis, en 1812, la torture, après l’introduction d’un nouveau code pénal fondé sur des normes humanitaires modernes. La scolarisation, la vaccination et le service militaire sont rendus obligatoires. L’administration bavaroise est réorganisée autour d’un cabinet centralisé de ministères modernes qui remplace les multiples chambres d’antan. Montgelas favorise également le libre-échange en faisant abolir tous les péages dans le royaume de Bavière. Mais surtout, il conçoit et met en œuvre « le Dienstpragmatik », un règlement pour les fonctionnaires, qui servira de modèle à toute la fonction publique allemande. Désormais, l’admission à un service dans l’administration publique ne se fait plus sur la base de l’appartenance à la religion catholique ou la noblesse, mais uniquement sur la qualité de l’éducation. Les fonctionnaires perçoivent un salaire suffisant et leurs veuves une pension. Ce règlement, qui met fin à la prépondérance de la noblesse dans les rangs les plus élevés et les plus décisifs de l’administration publique, permet à Montgelas de restructurer la
    fonction publique sur une déontologie nouvelle qui crée, par la même occasion, un groupe social de serviteurs dont l’unique loyauté ira à la couronne et au royaume de Bavière. 

    Un bilan impressionnant que l’on doit à un personnage hors du commun. 

    Aujourd’hui la société Montgelas est un des emblèmes de la coopération franco-bavaroise, un lieu d’échange privilégié. Son président, Pierre M. Wolff, est intarissable sur les mérites de ce Savoyard qui donnera à la Bavière « le territoire et les institutions qui sont encore les siennes aujourd’hui ». Munich se devait de lui bâtir une statue de 6 mètres de haut, fraisée dans un bloc d’aluminium, érigée en 2005 en face du Palais Montgelas, qui fut sa résidence et en même temps le siège de son gouvernement. 

    Le Palais Montgelas appartient depuis plusieurs décennies à l’hôtel Bayerischer Hof où se tient tous les ans notamment la Conférence de Munich sur la Sécurité. La Société Montgelas, quant à elle, remet annuellement le Prix Montgelas, un prix honorifique matérialisé par un buste en porcelaine de Chine de Montgelas, alternativement à Munich et à Paris, qui récompense des personnalités des deux pays œuvrant dans l’esprit de Montgelas ou engagés dans la coopération franco-bavaroise. Le caractère original du Prix tient dans le fait que le discours d’éloge est toujours prononcé par une personnalité qui vient de l’autre pays que celui du lauréat, obligeant ainsi à un croisement des regards de part et d’autre du Rhin.[7] 

    Une occasion unique pour nous de découvrir un personnage emblématique et saluer la réussite exceptionnelle d’un de ces Français expatrié qui, sur des idées françaises va adapter et doter sa patrie d’adoption pour en faire un modèle d’organisation. Un précurseur dont la mémoire gagne à être honorée. 

    Jean-Michel Poulot 

    Joël-François Dumont  

    https://european-security.com/maximilian-joseph-de-montgelas-un-savoyard-pere-de-la-baviere-moderne/


    Le Souvenir français « gardien de notre mémoire »

    Le Souvenir français « gardien de notre mémoire »

    Le Souvenir français  

    De toutes les associations patriotiques françaises « le Souvenir français » est de loin la plus ancienne. Fondée en 1887 par François-Xavier Niessen, un Alsacien très actif au sein des milieux alsacien et lorrain en 1871, elle mettra peu de temps pour réussir ce que l’État était bien incapable de faire après la défaite de Sedan. 

    Niessen en 1873 avait déjà créé la « Société de prévoyance et de secours », une sorte de mutuelle pour secourir des milliers de réfugiés dans la Région parisienne avant de se lancer dans la défense de la mémoire des combattants de 1870.  

    L’association est financée par l’État et soutenue par une association catholique, « l’Œuvre des tombes et prières ». Le Souvenir français va, au fil des ans, créer des
    ossuaires et des cimetières, élever des monuments et des stèles – y compris en Allemagne – dans le but également de sauvegarder la mémoire des prisonniers de guerre français, une façon de rappeler que l’Alsace-Lorraine demeurait terre de France
    et faire en sorte que l’on n’oublie pas nos prisonniers.  

    En 1900, l’association regroupe 80.000 adhérents répartis dans 854 comités cantonaux. Son action est désormais visible dans plus de 2.000 lieux matérialisés. On lui doit les premiers monuments en hommage aux « grognards » de l’Empire à Waterloo et en Russie. Elle participe à la réalisation du monument consacré à Vercingétorix à Alise-Sainte-Reine ainsi que des centaines de monuments en hommage aux  ombattants de 1870.[1]  

    Malgré les différends entre l’Église et l’État à cette époque, en 1906 les relations entre le gouvernement et Le Souvenir Français vont s’approfondir.
    Le Souvenir Français est reconnu d’utilité publique. Le général Picart, ministre de la guerre du gouvernement Clemenceau entend favoriser la création de comités du Souvenir Français en Alsace-Moselle. C’est ainsi, avec l’accord des autorités allemandes, que le Souvenir Français « prend pied » dans les territoires annexés. Un homme, Jean-Pierre Jean, va incarner cette politique qui va connaître son point d’orgue le 4 octobre 1908 lors de l’inauguration du monument de Noisseville et le 17 octobre 1909 lors de l’inauguration de celui de Wissembourg. L’intense activité « pro-française » que révèlent ces deux cérémonies inquiète les autorités allemandes confrontées au développement de « l’esprit de Revanche ». C’est ainsi qu’en janvier 1913, le Souvenir Français sera interdit en Alsace-Moselle quelques mois avant l’éclatement de la Première Guerre Mondiale. Cela n’empêchera pas chaque dimanche les jeunes Alsaciens et Lorrains revêtus de costumes traditionnels de rendre hommage à ces
    « Morts pour la France » en se recueillant sur leurs tombes. 

    En 1918, l’État devra gérer la recherche et l’inhumation d’1 million 400.000 soldats tombés au champ d’honneur. 300.000 corps ne seront pas retrouvés dans des lieux dévastés par les obus et les flammes dans l’enfer de Verdun : 350.000 familles demanderont la restitution des corps de leurs enfants pour les regrouper dans les cimetières avec leurs familles. 30.000 monuments seront érigés dans les communes de France. De grandes nécropoles nationales vont été construites pour ensevelir 700.000 soldats. Curieusement, les soldats regroupés dans les cimetières familiaux vont disparaître lorsque les tombes vont entrer en état de déshérence, alors que les nécropoles nationales, elles, vont demeurer et se révéler à l’épreuve du temps. 

    Après la 1ère Guerre Mondiale, pour regrouper des millions d’anciens combattants, des centaines d’associations vont se développer pour honorer la mémoire des combattants par champs de bataille, mais aussi par types d’armées, de blessures et bien sûr de nationalités (Arméniens, polonais, tchéco-slovaques). 

    Le Souvenir français poursuit aujourd’hui son œuvre, et pas seulement le 11 novembre, les 8 mai ou le 14 juillet. Depuis sa création, plus de dix millions de personnes ont adhéré au Souvenir français. Près de 200.000 adhérents encore aujourd’hui alors que nos associations d’anciens combattants disparaissent avec tous ceux qui ont « servi les armes de la France » pour assurer la défense de la Patrie. Des mots que l’on n’entend plus aujourd’hui mais qui résonnent encore pour beaucoup d’entre nous.   

    Si Paris valait « bien une messe », cette association vaut bien qu’on lui consacre une série d’émissions, une façon de revisiter notre histoire et de mesurer le dynamisme de cette association en 2022, que ce soit en France, dans chaque département, mais aussi dans le monde entier où elle est présente presque partout. 

    En commençant par l’Allemagne, car la raison d’être du Souvenir français a été après la défaite de Sedan en 1870, de défendre la mémoire de ces « Morts pour la France » en veillant à ce que l’on n’oublie pas nos prisonniers de guerre. 

    En Allemagne, plusieurs comités se répartissent tout le pays. Leur délégué général à Berlin est un agrégé d’histoire, le professeur Étienne François. Un homme passionné et passionnant que nous vous invitons à écouter sur le podcast de cette émission diffusée les 10 et 11 janvier par la Voix du Béarn.
    Une seconde sur l’Allemagne suivra complétant cette première émission avant que
    nous ne nous rendions dans d’autres pays pour découvrir cet extraordinaire travail
    de mémoire effectué par des bénévoles, une façon d’évoquer comme le dit Jean-Michel Poulot « ces souvenirs dont on ne parle jamsi mais dont on se souvient
    toujours ». 

    Joël-François Dumont 

      

    [1] Source : site Internet du Souvenir français.   

    La Croix de guerre

    La Croix de guerre

    La croix de guerre est une décoration militaire instituée en 1915 pour récompenser les soldats ayant fait preuve d’une conduite exceptionnelle face à l’ennemi.  

    Pendant les premiers mois du conflit, la France ne dispose pas de décoration spécifique pour gratifier et matérialiser les actes de bravoure individuels des soldats. À cette époque, il n’existe que la Légion d’honneur, créée en 1802 par Napoléon Bonaparte, la médaille militaire, instituée en 1852 par Louis-Napoléon Bonaparte, et les citations à l’ordre du jour des régiments. La Russie avait, elle, la croix de Saint-Georges ; l’Angleterre la croix de Victoria ; l’Italie la médaille de la valeur militaire ; l’Allemagne la croix de fer. La France n’avait, elle, rien d’équivalent. 

    A l’origine de la création de la « Croix de guerre », le besoin ressenti dès les premiers mois de la Première Guerre Mondiale au front de créer une récompense « visible » pour les combattants qui s’étaient distingués. Devant l’âpreté des combats il fallait pouvoir sur le champ de bataille honorer les plus braves, leur courage, pour mieux galvaniser ceux qui, en première ligne, étaient en permanence sous le feu de l’ennemi. Même si elle était militaire, cette décoration ne devait pas être réservée aux seuls militaires. Au-delà d’une simple récompense, l’idée pour le commandement militaire était de pouvoir témoigner publiquement la reconnaissance de la Nation. 

    Dans les armées, il existait bien la « citation à l'ordre du jour » mais ce n'était qu'un témoignage écrit, qu’on retrouvait dans les communiqués, les états de service et le livret militaire. Pour être efficace, cette décoration « administrative » devait laisser la place à « un signe distinctif clair et visible », qui permettait au chef de décorer les plus vaillants de ses soldats sur les lieux même des combats.   

    C’est ainsi qu’en décembre 1914, le général Boëlle, commandant le IVe Corps, tente de convaincre le haut-commandement de la nécessité de créer une telle décoration. Trois députés, Maurice Barrès, Georges Bonnefous et Émile Driant, s’emparent du projet et déposent une proposition de Loi signé par 63 autres députés. Le projet est lancé.  

    Lors de sa présentation à l'Assemblée Émile Driant déclare : « Créons un ordre récompensant la valeur militaire, mais en lui donnant un nom bref qui sonne clairement et qui, à lui seul, exclut la faveur de l'ancienneté. On l'appellera la Croix de guerre, ce sera une croix de bronze clair, à quatre branches, surmontée d'une couronne de lauriers, et suspendue à un ruban vert uni, le vert de la médaille de 1870-1871, débarrassé des rayures noires qui symbolisaient le deuil de l'autre siècle. »  

    Après la présentation de plusieurs projets de médaille, c'est le sculpteur Paul-Albert Bartholomé qui est désigné pour créer le modèle. Le Sénat adopte « le ruban vert rompu par de fines rayures rouges, associant le symbole du sang versé à celui de l'espérance et rappelant celui de la médaille de Sainte-Hélène donnée aux vieux grognards du Premier Empire ».  

    « La Croix de guerre instituée par la loi du 8 avril 1915 est en bronze florentin du modèle de 37 mm, à quatre branches, deux épées croisées. Le centre représente à l'avers une tête de République au bonnet phrygien ornée d'une couronne de lauriers avec en exergue « République française ». Il porte au revers l'inscription « 1914-1915 ». (Art.
    1er du décret du 23 avril 1915).   

    Ruban : vert avec liseré rouge à chaque bord et comptant cinq branches rouges verticales de 1,5 mm.   

    Origine du ruban : Le ruban de la Croix de guerre de 1914-1918 est celui de la médaille de Sainte-Hélène. Napoléon III récompensait, grâce à elle, les vétérans de l'armée du Premier Empire.   

    Une fois le projet adopté, le modèle de médaille a été confié au sculpteur Paul-Albert
    Bartholomé. 

    Après la Croix de guerre 14-18, la croix de guerre 1939-1945 est une décoration militaire française destinée à distinguer des personnes (civiles et militaires), des unités, des villes ou des institutions ayant fait l'objet d'une citation pour fait de guerre au cours de
    la Seconde Guerre Mondiale. Réalisée sur le même modèle que celle de 1914-1918,
    mais avec la date 1939 inscrite au revers, et suspendue à un nouveau ruban de deux bandes rouges extérieures encadrant quatre bandes vertes séparées par trois fines rayures rouges. 

    La seule croix de guerre décernée aujourd’hui est celle des “TOE” – les Théâtres d'opérations extérieurs – créée en 1921. La dernière fois qu’elle a été « réactivée » comme le précise Loïc Salmon, « c'était pendant la guerre du Golfe qui avait donné lieu à un vote préalable au Parlement en 1991.» 

    « Parmi les plus belles décorations  décernées à nos soldats de l’armée française, la croix de Guerre des théâtres d’opérations extérieurs tient une place historique et très  particulière » comme le rappelle le colonel Bachette-Peyrade dans l’éditorial du numéro 343 de la revue consacré au centenaire de la croix de guerre. 

    « Elle constitue dès 1921, il y a cent ans, à l’image de la prestigieuse croix de Guerre 1914-1918, le prix du sang, mais souvent aussi le prix de souffrances, sur des théâtres
    d’opérations très  éloignés de la métropole, souvent oubliés de nos concitoyens peu au fait des données géopolitiques de l’époque. Opérations de pacification, d’assistance au développement ou de lutte contre les totalitarismes qui asservissent les peuples, qui furent l’honneur de la France protectrice des opprimés. 

    L'Association nationale des croix de guerre et de la valeur militaire, forte des valeurs morales dont elle est la gardienne, avait par conséquent un devoir impérieux de servir  une fois de plus la « marque du Courage », que constitue la croix de Guerre des théâtres d’opérations extérieurs,  et ses titulaires, soldats, unités militaires, villes et aussi institutions civiles, à l'image des croix de Guerre de nos valeureux combattants des deux guerres mondiales.» (Télécharger le dossier

    Après la Première Guerre Mondiale, il faudra rassembler rassembler dans un même esprit « croix de guerre et valeur militaire » les personnes physiques et les personnes
    morales (communes, unités militaires et institutions civiles) ayant fait l'objet d'une citation comportant l'attribution d'une croix de guerre (1914-1918, 1939-1945 ou TOE), de la croix de la Valeur militaire, de la médaille de la Gendarmerie nationale ou de la médaille d'or de la Défense nationale pour citation sans croix. D’où la création en 1919 de l’ANCGVM - l'association nationale des croix de guerre et de la valeur militaire (ANCGVM).
    Elle a d’abord été dirigée par le vice-amiral Émile Guépratte, héros de la guerre des Dardanelles. 

    A l’occasion de la célébration du 8 mai ou du 11 novembre, la Voix du Béarn a trouvé que ce sujet mal connu devait être traité en invitant trois invités : le colonel (H) Michel
    Bachette-Peyrade, président de l'ANCGVM, le colonel (H) Pierre Castillon, polytechnicien, président-fondateur de l'Académie des Technologies et le capitaine de vaisseau (H) Loïc Salmon, rédacteur en chef de l’excellente revue et du site « Croix de Guerre et Valeur militaire ».[1] 

    Une association patriotique centenaire très dynamique dans toute la France malgré le fait que la plupart de ses anciens membres au titre de 14-18 ou de 39-45 aient aujourd’hui disparu.
    Avec nos invités, nous verrons comment ce travail de mémoire est fait inlassablement
    par des bénévoles. 

    Jean-Michel Poulot et Joël-François Dumont 

    Sitede la Croix de guerre et de la Valeur militaire  

    European-Security.com
    frNovember 16, 2021

    Pierre Berbizier, une légende vivante au pays du rugby

    Pierre Berbizier, une légende vivante au pays du rugby

    Plus qu’un joueur d’exception, Pierre Berbizier est devenu une véritable légende au pays du rugby avec 56 sélections internationales. 56 « capes » où il portera le maillot de l'équipe de France, 13 fois en tant que capitaine. Deux grands Chelems dans le Tournoi des Cinq Nations (en 1981 et en 1987). Champion de France cadets à 17 ans avec Lannemezan en 1975 contre le RC Toulon. En 1988, il est champion de France Sénior contre Tarbes et devient capitaine de l’équipe de France. 

    Originaire de Saint-Gaudens en Haute-Garonne, Pierre Berbizier voit le jour en 1958 dans une famille de rugbymen chevronnés.  

    Son père René sera trois-quarts centre à Mazamet avant de devenir entraîneur à Bègles dans l’équipe de Lucien Mias. Son grand-père est lui aussi un fervent adepte du ballon ovale. Le jeune Pierre comme son frère Philippe n’auront qu’à suivre l’exemple familial… Ce qui ne l’empêche pas de devenir à 14 ans ceinture marron de judo. Un sport qui lui
    apportera beaucoup. Face à l’adversaire, on apprend à jauger l’autre et à imaginer la parade la plus adaptée.  

    Cela n’empêche pas Pierre de suivre de bonnes études avant de les compléter en Angleterre – à Oxford dans le prestigieux St Andrew’s College – et à l’Université de Cape Town en Afrique du sud. Ce qui lui permettra de se familiariser avec la langue et la mentalité de ceux qu’il affrontera sur les plus prestigieux stades du monde.  

    Pierre Berbizier commence sa carrière de rugbyman junior au CA Lannemezan où il est formé au poste de demi de mêlée. Un poste pour lequel son grand-père l’imaginait déjà en raison des qualités assez rares qu’il avait détectées : une « intelligence du jeu » précoce, un sens inné de la décision, une capacité d’analyse du jeu adverse en première mi-temps qui servira à l’emporter dans le seconde. Une « vision du jeu »
    comme le résume si bien son ami Christian Paris, « servie par une capacité d’accélération aussi célèbre que celle du Gallois Gareth Edwards »…
    Il sera sénior au FC Lourdes puis au SU Agen avant de rejoindre l’équipe de France. 

    Deux hommes compteront particulièrement dans la longue carrière de Pierre Berbizier : Robert Bru, son professeur à l’université Paul-Sabatier de Toulouse, section sport, où il a
    appris à « théoriser la pratique » et à « comprendre le rôle » et Jacques Fouroux, un meneur d’hommes qui l’amènera au haut niveau.  

    L’homme, Pierre Berbizier, est à la fois chaleureux et attachant, ce qui ne l’empêche pas de dire ce qu’il pense. Avec un mépris mal dissimulé pour les intrigues de palais et les magouilles. Le rugby aujourd’hui est malheureusement très différent de celui que nous avons connu il y a encore 20 ans. Il y a ceux qui ont une ligne de conduite et qui s’y
    tiennent et d’autres qui préfèrent la « politique », les deux faisant rarement bon ménage. 

    Pierre Berbizier parle peu. Son propos est d’autant plus intéressant. Sur la Voix du Béarn, face à deux fans du rugby Jean-Michel Poulot et Christian Paris, il évoque ce que fut sa vie de rugbyman. L’homme est resté un symbole du rugby français pour les meilleurs joueurs britanniques, sud-africains ou néo-zélandais. Pour les Français, il est resté le symbole d’une époque. Et les Italiens la semaine prochaine l’ont convié samedi dernier à assister au match Italie-Nouvelle-Zélande avec les All Black en souvenir de ses deux ans passés à refonder l’équipe d’Italie (2007-2009). 

    Joël-François Dumont

    (Émission diffusée également en Pologne par Radio Hexagone)  

    « Keep Your Secrets Secret ! »

    « Keep Your Secrets Secret ! »

    Le 16 novembre 1944, le général de Gaulle a signé une ordonnance créant la « Direction de la Surveillance du Territoire », ordonnance qui sera complétée par un arrêté ministériel une semaine plus tard.  

    En fixant les attributions et les structures internes de la « DST », le chef de la France Libre a dérogé à une tradition : pour la première fois en France, le contre-espionnage échappait au contrôle du ministère des Armées et était placé sous l’autorité  du ministère de l’Intérieur. 

    Roger Wybot – un ancien du BCRA à Londres – était nommé directeur.  

    Parmi les missions prioritaires de ce nouveau service de contre-espionnage français
    qui succédait à la « ST », la Sécurité du Territoire crée en 1934 par le gouvernement de Gaston Doumergue, la DST se devait de traquer les anciens nazis comme avait pu le faire la ST avant-guerre, de surveiller de près les menées subversives communistes financées par Moscou visant à instaurer en France un régime communiste, enfin d’identifier tout agent étranger sur notre territoire suspect de se livrer à des activités d’espionnage ou à des actes terroristes. 

    Soixante ans plus tard, le 16 novembre 1944, Charles Pasqua, ministre de l’Intérieur, a
    réuni au siège de la DST, rue Nélaton, dans le XVe, presque tous les anciens directeurs y compris le légendaire Roger Wybot. Manquaient à l’appel, notamment, le préfet Gabriel Ériau – un grand Résistant qui vissait un bras mécanique quand il allait au monument aux morts pour y déposer une gerbe ou pour conduire sa DS et qui n’en était pas moins resté un tireur d’élite ! 

    Dans une grande salle en haut de l’immeuble qui avait été le siège de ELF, le ministre lui-même ancien Résistant qui avait connu la clandestinité, a rappelé brièvement quelques souvenirs personnels avant de conclure son propos ainsi : « votre devise est et restera Keep your secrets secret ! ». Comme quoi dans le milieu du renseignement, que l’on soit civil ou militaire, il y a des règles qui ne souffrent pas d’exception. Une magnifique médaille commémorative a été remise aux invités triés sur le volet… 

    Notre précédente émission a été l’occasion d’évoquer une très belle page d’histoire
    inédite qui plus est de notre service de contre-espionnage français après la débâcle de 40 et l’entrée en Résistance, dès le 14 juin 1940, à Bon-Encontre des effectifs du « 2 Bis ».  

    Cette fois-ci, après « l’hommage aux anciens », nous nous sommes intéressés au Renseignement français et aux évolutions majeures qu’il a pu connaître au cours de ces 20 dernières années. Sans oublier d’évoquer deux grandes réformes.  

    La première a eu lieu sous François Mitterrand, la seconde sous Nicolas Sarkozy. 

    Dans le domaine du renseignement militaire, le 16 juin 1992, Pierre Joxe, ministre de la Défense, créait la « DRM ». L’objectif était de palier « les manques » constatés à l’issue de la première guerre du Golfe. Son prédécesseur, Jean-Pierre Chevènement, avait demandé au général d’armée aérienne François Mermet, ancien DGSE, de réfléchir
    à la création d’une « DIA à la française ». Pierre Joxe concrétisera cette réforme qui était indispensable. 

    La Direction du Renseignement Militaire regroupait, notamment, tous les anciens 2e Bureaux d'Armées et se devait de ne pas faire double emploi avec le SDECE devenu la DGSE, la Direction générale de la Sécurité Extérieure.  

    Plus tard, sous Nicolas Sarkozy, pour contrer les menaces terroristes de toute sorte, une grande réforme du Renseignement intérieur a été initiée par le préfet Bernard Squarcini qui fusionnera la DST et les RG en rendant la DST responsable de la lutte antiterroriste, sans pour autant négliger ses missions classiques de contre-espionnage et de contre-ingérence.  

    C’est ainsi que le 1er juillet 2008, la DST a fusionné avec la Direction Centrale des Renseignements Généraux au sein d'une nouvelle direction prenant le nom de « Direction Générale du Renseignement intérieur » (DCRI), renommée en 2014 par le pouvoir socialiste « Direction générale de la Sécurité intérieure (DGSI). Cette réforme restera une des très rares réformes pensées et réalisées « à froid », autrement dit pas suite à une bavure ou dans « un climat » passionnel. 

    Si l’on ajoute à cela l'installation à l'Élysée d'un « coordinateur du Renseignement » pour s'assurer que les échanges interservices fonctionnent bien et que la remontée de
    l'information stratégique soit valorisée, on a une vue d’ensemble assez complète des changements intervenus en profondeur pour mieux adapter l’outil à la menace. 

    Dans cette émission réalisée avec Jean-Michel Poulot, la Voix du Béarn a donné la parole à des experts très qualifiés : Jean Guisnel du Point, un des rares journalistes à s’être intéressé au Renseignement pendant plus de 30 ans et auteur de nombreux
    ouvrages de référence,[2] Alain Juillet ancien n°2 de la DGSE qui deviendra sous
    Chirac « Haut-fonctionnaire à l’Intelligence économique » qui va lui considérablement
    renforcer nos capacités d’action dans le domaine économique, le préfet Bernard
    Squarcini, le père d’une de ces deux grandes réformes, le professeur Christian Tafani qui forme des étudiants sur ces questions et Hedy Belhassine, un expert des questions stratégiques. 

    Si les dernières aventures de James Bond et d’OSS 117 portées à l’écran récemment continuent de faire rêver, force est de constater que l’on trouve plus de pères tranquilles à la DGSE et à la DGSI que de séducteurs patentés. Mais qui s’en plaindra ? 

    Joël-François Dumont 

    [1] Le C-E en 1940 se trouvait 32 rue de Tourville à Paris. 

    [2] Lire notamment de Jean Guisnel : Histoire secrète de la DGSE (Robert Laffont, 2019), Au Service secret de la France avec David Korn-Brzoza (Éditions de la Martinière, 2014), Guerres dans le Cyberespace (Éditions La découverte, 1995).